André Linh Raoul, fondateur, A-Venture
Pouvez-vous revenir sur votre parcours et l’histoire d’A-Venture (ex Pôle Capital) ?
Après des études en finances à Paris Dauphine, j’ai commencé dans l’industrie financière, je travaillais dans un fonds d’investissement dans ce que nous appelons le private equity. J’ai fait ça pendant un certain nombres d’années. Puis, j’ai eu l’opportunité de rejoindre un projet entrepreneurial dans la production d’énergie solaire. À ce moment-là je travaille depuis trois ans et j’hésite entre faire un MBA ou investir dans une société… J’ai regardé le ratio investissement/risque et ce que cela peut m’apporter. Le choix n’était pas que financier, il y avait aussi tout un apprentissage que je pouvais retirer de ma future expérience. J’ai décidé de me lancer et de créer Pôle Capital aujourd’hui AVenture.
Nous sommes un fonds d’investissements, cela veut dire que notre cœur de métier est d’abord d’investir des fonds propres dans des jeunes entreprises. Aujourd’hui, nous investissons entre 200 et 300 000 euros “cumulés par entreprise”. Je dis “cumulés” car nous intervenons tôt, nous mettons d’abord un petit ticket et nous investissons au fil du temps. Nous sommes un petit investisseur, indépendant avec des capitaux privés. Aujourd’hui, nous avons peu d’investisseurs extérieurs pour être libérés de certaines conditions et contraintes qui seraient restrictives pour nous en termes de gestion : 90% des actifs que nous investissons est l’argent des associés. Ce dernier point a beaucoup défini notre stratégie d’investissements. Nous nous sommes spécialisés sur les secteurs que nous connaissions directement et indirectement ou que nous aimions c’est-à-dire le voyage et la mobilité, puisque deux des associés sont issus de ces secteurs, François Piot, PDG du groupe Prêt à Partir et Paul de Rosen l’ancien Directeur Développement du groupe Transdev. Nous avons également investi dans l’environnement puisqu’un des pendants de la mobilité étant ce qu’elle engendre, nous investissons dans les sujets d’efficacité énergétique, de production d’énergie propre… Nous ne sommes pas encore suffisamment actifs sur ces thèmes et c’est pour cela que je vous en parle, nous devons le faire savoir mais c’est une thématique sectorielle sur laquelle nous allons nous investir davantage. Le dernier secteur dans lequel nous sommes beaucoup intervenus ces derniers temps, est la fintech.
Nous essayons d’apporter une approche un peu différente comme une sorte de coaching. Nous n’investissons pas uniquement dans une logique financière, ce n’est pas l’objectif principal. Au fur et à mesure de notre développement, nous avons essayé d’apporter des services annexes et aujourd’hui, je pense que ce qui nous définit est que nous sommes avant tout investisseurs tout en apportant un écosystème dans lequel nous mettons en relation les personnes.
Quels sont les critères qui vous poussent à investir dans une start-up ?
Je pense que beaucoup d’entreprises qui viennent nous voir sont intéressées en particulier par notre capacité à les suivre financièrement. Nous allons d’abord privilégier des entreprises qui seraient un rouage dans l’écosystème. Parfois nous avons rencontré des projets un peu bancals avec des équipes excellentissimes et nous ne les avons pas suivies. Ce qui n’est pas facile, c’est d’être dans une phase où nous avons déjà beaucoup de dossiers et de passer davantage de temps à travailler nos lignes qu’à chercher de nouvelles opportunités d’investissements. Comme notre équipe ne grossit pas de manière linéaire par rapport au nombre de lignes, nous nous concentrons d’abord sur les entreprises que nous avons et qui fonctionnent bien.
Êtes-vous toujours minoritaires quand vous investissez dans les entreprises ?
Presque toujours, nous accompagnons des entrepreneurs donc si nous sommes majoritaires, il perd sa motivation, ce qui se comprend. Le profil des entrepreneurs a changé. Maintenant on monte son entreprise pour la vendre et donc recevoir du capital.
Au delà de l’investissement financier, apportez-vous des solutions d’hébergement aux start-up?
10 à 20% seulement des entreprises sont chez nous. Tout à l’heure je parlais de notre logique d’investissement dans les start-up, nous avons la même dans les actifs immobiliers. Nous achetons donc les sites, nous en sommes propriétaires mais nous voulons être systématiquement en dessous des prix de marché. Une des contraintes est que nous sommes moins rentables que certains de nos confrères mais ce n’est pas grave parce que nous sommes dans une logique d’investissement patrimonial sur du très long terme. Nous louons ici les postes informatiques entre 200 et 300 euros, 300 euros par poste pour des entreprises extérieures et 200 à 250 euros pour des entreprises dont nous sommes actionnaires. Nous privilégions toujours les entreprises dont nous sommes actionnaires. Il y a des salles de réunions partagées, des cabines téléphoniques partout, nous ne gérons en revanche pas le consommable. Nous achetons des lieux atypiques tels que péniches : cela est aussi l’opportunité pour nous d’avoir des lieux propices à l’événementiel.
Comment se passe le choix de ces lieux ?
La logique immobilière doit être rattachée à notre logique d’investissement dans des start-up. Nous essayons en fonction des sites de voir comment nous pouvons les composer et faire en sorte que cela constitue une offre globale. Notre principale priorité sur Paris est de couvrir les principaux lieux de flux de voyageurs, corporate ou particulier. Ici, nous sommes proches de la gare du Nord et de l’Est et nous cherchons activement près de la gare Saint Lazare, Montparnasse et de la Gare de Lyon. Après il faut trouver les sites qui ont la bonne taille… Nous aimerions que notre start-up puisse changer de lieu et louer un poste pour la journée. Il faut que le réseau fonctionne en termes d’entraide mais aussi de logistique.
Quelle est votre stratégie dans ces investissements immobiliers ?
Si nous regardons le type d’actifs immobiliers que nous recherchons, nous aimons bien les actifs utiles pour nos start-up, un peu atypiques : nous avons regardé une église par exemple il y a quelques semaines. Ces actifs immobiliers doivent permettre de compléter le réseau. Ceci est la partie vraiment investissement. Il y a ensuite des sites que nous sommes susceptibles de louer par exemple, le Paddock dans le Grand Est. Nous louons et si nous allons dans d’autres villes, potentiellement nous louerons à nouveau. Si nous n’achetons pas c’est qu’il n’y a pas d’intérêts à le faire. Financièrement, il faut que cela soit rentable. Dans le Grand Est, des entreprises jeunes qui lèvent des moyens et qui sont en capacité de payer un loyer de marché finalement, il n’y en a pas beaucoup. Aujourd’hui, les gens en région veulent monter une société et ne pas avoir de loyer à payer. Nous aimons les voyages, la mobilité, les jeunes entreprises ensuite, nous essayons d’offrir des services mais au minimum il faut que les entreprises puissent payer leur loyer et, dans un deuxième temps, nous voyons si nous avons un intérêt à investir. C’est parce que nous nous sommes déployés en régions que nous avons commencé à élargir les sujets sectoriels. Quand nous avions commencé à Paris, nous regardions beaucoup plus le voyage et la mobilité. C’était 80% des deals que nous faisons. Aujourd’hui, ce n’est peut-être que la moitié.
Avec quels partenaires travaillez-vous ? Des banques, des entreprises privées, des fonds publics ?
Acheter un bien immobilier n’est pas très rentable, il faut mettre pas mal de fonds propres et sur la partie banque, nous travaillons essentiellement avec la Caisse d’épargne et la Banque populaire. La Caisse d’épargne soutient l’un de nos incubateurs en régions, le Paddock avec un vrai accompagnement et beaucoup de staff derrière et ça fait partie des banques du groupe Prêt à Partir depuis un certain temps.
Cherchez-vous à vous faire connaître ?
Cela dépend si nous sommes en régions ou à Paris. À Paris, il y a beaucoup de choses qui sont faites et nous sommes un tout petit acteur. Nous avons du mal à nous faire repérer et ne le cherchons pas trop. Nous ne faisons jamais de publicités et participons assez peu à des événements.
En région, c’est un peu différent, nous accompagnons des entreprises plus jeunes, il y a du staff pour accompagner ces entreprises-là. L’équilibre économique se retrouve car il y a le soutien public qui permet de compenser ce que vous investissez “à perte”. Nous faisons donc plus de networking en régions, c’est aussi pour cette raison que le profil des équipes est un peu différent. Nous travaillons avec les partenaires qui nous paraissent pertinents au vu de notre activité. Le Welcome City Lab nous envoie des dossiers, ils n’ont que des start-up Travel donc en termes de réseau d’affaire c’est top ! Ils ont des partenaires qui sont assez impliqués : les mises en relations sont utiles.
Vous semblez être accompagnés par les régions et par les acteurs des territoires ?
Le Grand Est qui est une zone interfrontalière nous aide beaucoup dans le sens où dès qu’il y a des délégations, nous sommes invités. Eux-mêmes sont sollicités par leur équivalent luxembourgeois, belge ou allemand et des dossiers entrants viennent par ce biais. Ce sont des gens bienveillants. Nous sommes en train de lever un fonds d’investissement dédié à ces zones géographiques Grand Est. Nous cherchons à ressentir les attentes et besoins locaux plus particulièrement sur cette région.
Vous parlez d’incubateurs, de pépinières, de lieux d’événements, au début de l’interview vous vous êtes décrit comme un fonds d’investissement, vous avez finalement un modèle un peu atypique ?
J’ai beaucoup de mal à définir ce que nous faisons mais notre ADN est quand même l’investissement. Nous ne pouvons pas avoir la même offre partout. À Paris, nous nous sommes lancés à une période où il y avait des fonds qui avaient pas mal de moyens, nous n’en avions pas beaucoup. Il y avait déjà des accélérateurs mais pas forcément centrés sur le tourisme. Cependant, il y avait déjà des choses et nous nous sommes adaptés au territoire. En régions c’est pareil, nous nous sommes adaptés et nous avons fait beaucoup plus d’accompagnement car quand nous nous sommes lancés à Nancy, il n’y avait pas de structure comme la nôtre. Il y avait des incubateurs publics mais qui accompagnaient surtout sur des sujets administratifs. Comme je l’expliquais en début d’interview, nous avançons beaucoup grâce à des coups de coeur : forts de tout cela, nous avons peu à peu construit un modèle différent qui, il est vrai “ne rentre pas dans les cases”.