L’avis d’un cabinet de conseil spécialiste par A. Poirier, Axys Consultants

A. Poirier

Poste : Axys Consultants

Anthony Poirier, Partner, Axys Consultants

Pouvez-vous nous présenter Axys et vos relations avec le monde du business travel ?

Axys Odyssey est une filiale du groupe Axys Consultants, cabinet de conseil spécialisé dans la gestion des déplacements professionnels. Nous avons pour vocation d’accompagner les entreprises du business travel sur l’amélioration de leur performance et des produits qu’ils peuvent apporter à leurs clients. Dans ce cadre, nous devons connaître le mieux possible les enjeux des acteurs du business travel : leurs produits mais aussi leur ADN, leur vision et leur façon d’aborder les problématiques clients. Nous existons depuis trois ans mais portons notre offre depuis neuf ans et travaillons avec tous types d’entreprises, les acteurs historiques, les start-up, etc.

Avez-vous constaté ces dernières années une meilleure prise en compte du voyageur, sur l’ensemble des sujets que vous traitez ?

Notre vision est biaisée car la plupart de nos clients sont des grands comptes où les choses sont plus difficiles à mettre en place. La considération du voyageur et de ses problématiques est très largement prise en compte, on le voit avec toutes les start-up qui travaillent pour apporter de nouveaux services, notamment autour de la gamification. On pourrait aller beaucoup plus loin mais il y a toujours un blocage dans les grands groupes car il faut faire bouger les mentalités et dans ces sociétés, l’aspect financier compte toujours beaucoup. Les politiques voyages sont là mais la notion de politique voyageurs est parfois très éloignée de la réalité. Quand la politique est trop décalée, les règles ne sont pas respectées. Le risque est donc de ne plus avoir de règle. Dans certaines entreprises (mais pas toutes), les politiques voyages prennent une autre dimension : le scope de fournisseurs s’élargit avec le monde des VTC, des hébergements alternatifs, le bleisure fait son apparition. Cela bouge beaucoup moins vite que le collaborateur, on ne parle pas de générations mais d’usages et d’époque.

Ce frein ne vient-il pas des interlocuteurs au sein des entreprises clientes ? 

Effectivement, sur ce genre de problématiques, les décideurs sont des directeurs achats avec des objectifs qui sont beaucoup plus axés sur l’aspect financier que sur l’aspect bien-être. Dans notre démarche, nous essayons de mettre autour de la table différents acteurs qui peuvent être de la direction des RH, de la sûreté, qui ont un point de vue beaucoup plus orienté utilisateur client interne et qui permettent parfois de faire entrer un peu de services auprès du collaborateur.

Comment, arrivez-vous à remettre le voyageur au centre dans les services que vous proposez, ?

C’est dans notre ADN, notre approche est très user centric. Nous voulons faciliter et améliorer le déplacement professionnel pour le voyageur, sur tous les points, en essayant d’apporter le maximum de services au collaborateur. Tout ceci dans un but précis : si le voyageur est satisfait, il utilise les outils mis en place par son entreprise qui peut alors récolter de la data et avoir ensuite des leviers d’optimisation. C’est donc un principe gagnant-gagnant. Nous partons du principe que pour s’élever en maturité dans le business travel, le premier point est d’avoir l’adhésion de son voyageur. Apporter du service à ses collaborateurs n’est pas encore la priorité mais c’est un point qui revient de plus en plus souvent. Nous répondons à cette demande. Nous centralisons les paiements pour éviter au collaborateur d’engager des frais. Nous allons lui apporter de la mobilité pour lui permettre de gérer son déplacement quel que soit l’endroit où il se trouve. Nous allons fluidifier les process, éviter les multiples validations et simplifier ces contraintes. Nous travaillons sur le process, le service et la simplification.

Votre rôle en tant que consultant est-il aussi de favoriser cette expérience-là et de la mettre en avant ?

Oui mais c’est vrai qu’à chaque fois que nous intervenons, c’est pour répondre à un besoin. Nous essayons de présenter toutes les options qui existent, même celles auxquelles les clients n’auraient pas pensé pour que l’idée germe ; même si elles ne sont pas prises tout de suite, elles sont semées. C’est toujours très long mais on le fait parce qu’on sait que si on ne donne pas l’idée, elle ne germera jamais.

Beaucoup de start-up qui se créent dans le voyage d’affaires ont souvent comme objectif final l’expérience utilisateur. Pensez-vous qu’elles vont y arriver ?

La plupart des start-up que j’ai la chance de rencontrer me disent qu’il faut être très patient car le cycle d’achat est très très long. Nous sommes sur des cycles qui sont de deux ou trois ans. Je pense que le plus souvent, elles se trompent de cibles et qu’il est plus simple pour elles de démarrer avec des entreprises plus petites et plus agiles qui pourront mieux entendre et mettre en place rapidement leurs services. Supertripper par exemple a très bien compris cela. Ils ont attaqué un marché qui était d’une taille moindre, ils ont laissé mûrir leur produit jusqu’à être prêts pour attaquer les grands comptes.

Sur la tech, on a l’impression que les OBT bloquent l’amélioration de l’expérience utilisateur, quel est votre avis sur le sujet ?

Mon point de vue est que si on me parle de la tech, les principaux éditeurs de la place semblent refuser le changement d’interfaces. Ils bougent beaucoup moins vite que les derniers entrants. Régulièrement, j’ai mis en contact des start-up avec des éditeurs parce que je pensais que ça pourrait faire un bon mélange mais à chaque fois, les éditeurs ne donnent pas suite. On a le sentiment, peut-être à tort, qu’il y a soit une stratégie de geler le marché, soit que la course à la technologie va trop vite et est dure à suivre, c’est un vrai questionnement. On s’interroge sur leur stratégie produit, ils ne peuvent attendre d’être drivés par le client. Si on fait le parallèle avec le voyage de loisirs, c’est scandaleux et c’est pour nous très difficile à expliquer à nos clients. Toutes leurs parties data sont sous exploitées alors qu’on pourrait hyper personnaliser le service au voyageur.

L’utilisation de la data récoltée dans le voyage d’affaires dans un objectif de personnalisation au service du collaborateur est-elle toujours compatible avec la politique voyages ?

Le risque avec l’ultra personnalisation est de casser les règles de groupe. Dans le loisir, il n’y a aucune barrière donc l’ultra personnalisation est formidable. Dans le business travel, il y a la barrière du prix. Comme il n’y a pas le choix de la destination, les leviers sont le confort, les horaires, éventuellement le type de transport. Tous ces éléments sont drivés par le coût. C’est ce driver là aujourd’hui qui permet de cadrer le déplacement. Si jamais on personnalise la façon dont voyage un collaborateur, cela risque de mettre en avant les comportements abusifs et de faire sortir du cadre les collaborateurs qui font habituellement attention. Je tire le trait vers l’excès mais c’est une dérive que je vois. Je n’ai pas de cas d’usage qui me permette d’illustrer mon propos. C’est de la pure spéculation. Je pense plus à la mise en place d’une politique dynamique qui prend en compte tous les éléments qui doivent influer sur la politique voyages mais sur l’ultra personnalisation, je pense que les leviers sont trop faibles. 

Mais avec un bon usage de la data, est-il envisageable de mettre en avant des habitudes de voyage et des usages à travers des persona par exemple comme le font déjà certaines entreprises ?

Oui, cela peut être une solution mais il faut faire attention au risque mis en avant avec la RGPD et la manipulation de données personnelles. Je ne sais pas jusqu’où on peut personnaliser, mais il faut absolument que la politique voyages cesse d’être statique et que demain, elle soit dynamique. Le vrai travail à faire à ce sujet est de faire évoluer en maturité les décideurs.