La recherche de l’acceptabilité sociale de l’innovation technologique

Julie Jammes

Poste : Research and Quality Project Officer Open Tourisme lab, doctorante en sciences de gestion, Chaire Cit.US, Montpellier management, université de Montpellier

Pouvez-vous nous présenter votre sujet de thèse ? Qu’est-ce que l’on entend par « acceptabilité sociale des innovations technologiques » ? En quoi est-elle particulière pour le secteur du tourisme ?

 

L’innovation technologique n’est socialement acceptable que lorsqu’elle donne un sens commun aux individus au travers de leurs usages et pratiques. Toutefois, bien qu’une majorité de personnes adoptent des réponses comportementales plutôt favorables face à la technologie, les cas d’oppositions sociales ne sont pas inhabituels… Le caractère sporadique des réponses individuelles et collectives face à l’innovation devient alors un enjeu pour les acteurs du territoire qui ne peuvent maîtriser, ni même anticiper l’acceptation par le marché de leurs innovations. En cela, l’acceptabilité sociale devient une clef de voûte visant à limiter les mises en échec des porteurs ou des promoteurs d’innovations tout en favorisant l’adoption et l’appropriation à plus grande échelle de leurs solutions. L’acceptabilité sociale de l’innovation technologique est reconnue pour être un jugement socialement construit. Le fait même de juger la valeur d’une innovation est un acte éminemment social impliquant des interactions et des conduites sociales de divers ordres. De ce fait, mettre une lentille sur la manière dont l’acceptabilité sociale de l’innovation technologique s’érige et culmine dans le temps, revient à examiner aussi bien les aspects technico-économiques de l’innovation, que le contexte social au sein duquel les dynamiques sociales se fondent, pour parvenir à un développement juste, désirable et pérenne d’une filière. L’étude de l’acceptabilité sociale dans le champ d’application du tourisme est particulière, parce que c’est une filière qui conjugue des secteurs de production et de service, ce qui complexifie la manière dont les acteurs abordent collectivement l’innovation, du fait de leurs intérêts divergents qui ne sont pas toujours conciliables. Malgré cela et des suites d’évolutions plurielles, tant sociologiques, technologiques, qu’environnementales, nous constatons l’émergence de nouveaux marchés et de produits qui sont nettement liés aux évolutions technologiques et numériques (IoT, cloud, big data, etc.) et justifiant par là même l’éclosion de nouvelles formes de tourisme ancrées dans une volonté d’éco-efficacité (éco-tourisme, m-tourisme, e-tourisme, etc.). Toutefois, ces nouvelles pratiques touristiques ont renouvelé la chaîne de valeur touristique, mais traduisent-elles pour autant des innovations socialement acceptables en adéquation avec les valeurs culturelles contemporaines ?

 

Quelles sont les grandes étapes de votre recherche ?

Premièrement, l’objectif de ma recherche était d’établir un état de l’art sur mon sujet d’intérêt qui porte sur « l’acceptabilité sociale de l’innovation touristique ». J’ai ainsi étudié plus d’une centaine d’articles sur mon objet de recherche, d’une part, pour produire une synthèse faisant état de ce qui a déjà été exploré, et d’autre part, pour identifier les lacunes et les voies de recherche porteuses pour mon sujet. Deuxièmement, il est attendu que je clarifie ce qu’est «l’innovation touristique», finalement à quoi renvoie cette terminologie? Quels sont les déterminants et les principales caractéristiques ? Peut-on, aujourd’hui, cartographier l’ensemble des innovations touristiques pour comprendre les usages du territoire et les nouveaux usages offerts par le numérique? Au travers de ces questions, l’ambition est d’investiguer les effets institutionnels qui affectent la filière touristique, les modèles d’affaires, mais aussi l’acceptabilité sociale des innovations au travers de leurs impacts sur les réseaux de relation et de décisions des acteurs (socioprofessionnels, entreprises, associations, élus, résidents, touristes, etc.). In fine, je m’intéresserai au rôle de la communication publique sur le jugement d’acceptabilité sociale de l’innovation touristique. L’idée étant d’apporter un guide de bonnes pratiques sur la façon de présenter son innovation aux différents acteurs du territoire, pour maximiser la réussite de projet.

 

Comment la recherche en tourisme peut-elle contribuer à une meilleure connaissance des transformations du secteur ?

L’élaboration et la diffusion de connaissances sont consubstantielles au processus de recherche. Le secteur du tourisme n’est donc pas exempté de produire des efforts de recherche pour comprendre les phénomènes, les transformations, voire les reconfigurations inhérentes au territoire. Depuis une décennie, l’appréhension du rôle de l’innovation dans le secteur du tourisme a fortement émergé au sein des recherches, notamment au regard de l’intensification de la concurrence qui a conduit les acteurs à trouver de nouveaux débouchés, particulièrement en s’orientant vers l’innovation. De ce fait, praticiens et chercheurs du secteur pourraient gagner à collaborer afin de combiner un savoir valide et pragmatique mettant la lumière sur les divers enjeux socio-économiques, politiques et culturels qui transforment et renouvellent la manière d’aborder la filière. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un contexte post-crise sanitaire, à une lutte contre le changement climatique et à des tensions géopolitiques qui viennent ouvrir de nouveaux axes de réflexion notamment tournés sur une certaine sobriété des usages. Les praticiens s’accordent pour parler d’un «nouveau tourisme» visant à s’aligner avec l’impératif d’une transition durable. Toutefois, il est à noter qu’il existe déjà diverses recherches menées en ce sens qui font valoir de multiples recommandations managériales et des méthodes maîtrisées, en vue d’accompagner au mieux les gouvernements et les professionnels du secteur afin de relever ses nouveaux défis.

 

Pourquoi avoir voulu poursuivre vos études en doctorat et quel est votre poste actuel ?

À cette question, je réponds spontanément: par passion pour la recherche! Après plusieurs mois de préparation et d’accompagnement par mes directeurs de recherche, j’ai finalement obtenu un contrat doctoral CIFRE à Open Tourisme Lab (OTL) où j’occupe le poste de «Research and Quality project», je suis également rattachée au laboratoire Montpellier Recherche et Management (MRM) et à la Chaire Cit.Us, Chaire internationale sur les usages et pratiques de la ville intelligente.

 

Comment organisez-vous votre temps de travail entre vos différentes activités ?

Le contrat CIFRE est comparable à une alternance professionnelle. Dans mon cas, je suis 3 jours par semaine à OTL avec ma casquette de salariée, et les deux jours restants, je suis au laboratoire de recherche. Mon immersion en entreprise me permet, dans une approche inductive, de faire des observations de terrain, c’est-à-dire d’être confrontée à des données brutes réelles et observables, qui par des itérations avec la recherche, facilite une explication des différentes problématiques, des contraintes et des besoins réels des acteurs du tourisme et plus largement du territoire. À OTL, j’ai un rôle plutôt transversal et je suis amenée à collaborer avec nos trois pôles d’expertise : accompagnement de start-up, évènementiel et service design. Globalement, j’interviens dans des missions mobilisent des savoir-faire liés aux approches du design thinking, de la logistique événementielle ou encore de la communication. Au laboratoire de recherche, mon travail ne se limite pas à l’écriture de ma thèse. Je participe régulièrement à des réunions et à des événements scientifiques. Prochainement, je serai amenée à faire des communications lors de colloques scientifiques pour présenter mes premiers résultats de recherche.