Diversité et inclusion, un quotidien dans l’hébergement

Julien BLANCHET

Poste : HEAD OF TALENT ACQUISITION & DEVELOPMENT FOR MAMA SHELTER, JO&JOE AND TRIBE

Pouvez-vous nous présenter le génèse et l’historique des Mama Shelter ?

Mama Shelter a été lancée en 2008 par la famille Trigano avec le premier établissement Paris East dans le 20e arrondissement. Serge Trigano et ses deux fils, fondateurs de la marque, ont voulu créer une marque avec un concept innovant autour du lifestyle et générer un réel sentiment d’appartenance des personnes qui travaillent pour la marque. Forte de son succès et de sa croissance, la marque Mama Shelter a suscité l’intérêt d’Accor qui est entré au capital de l’entreprise pour favoriser son développement à l’international. En octobre dernier, Accor a créé une joint-venture avec la marque Ennismore ayant pour ambition de devenir le leader de l’hôtellerie lifestyle. Ennismore regroupe plusieurs marques hôtelières et de coworking – dont Hyde, JO&JOE, Mama Shelter, Mondrian, ainsi qu’une collection de restaurants et bars. Pour ma part et dans ce contexte, je suis directeur du recrutement, de l’attractivité et du développement des équipes pour les marques Mama Shelter, JO&JOE et Tribe en France et à l’international.

 

Comment définissez-vous cette notion de lifestyle ?

Mama Shelter, c’est plus qu’un hôtel, un restaurant ou un bar. C’est surtout un lieu de vie, un lieu de rencontre, de fête, de liberté, de sensation où chacun se sent comme chez lui et surtout trouve sa place. C’est réellement ça que l’on ressent chez Mama Shelter. Chaque Mama a sa propre identité, rattachée à la ville dans laquelle il s’implante pour pouvoir la représenter en termes de décoration, de design et surtout avec les personnes qui vont rejoindre cette aventure. En effet, les différents membres de l’équipe, qu’on nomme les membres du Mama Gang, contribuent à faire de chaque Mama un lieu de vie pour tous les employés et les clients. Je pense que ce qui fait la différence chez Mama Shelter, c’est avant tout l’équipe qui va créer cette énergie dans chaque Mama. Avec ce concept, Mama Shelter répond pleinement aux besoins de différents types de voyageurs qu’ils soient citadins ou à la recherche de nouvelles expériences, émotions, sensations. Nous sommes vraiment sur un positionnement où on casse les codes avec un côté décalé et provoquant. Par exemple, dans la boutique de chaque Mama, on vend des casquettes, des t-shirts ou encore des sex-toys.

 

Avez-vous une explication sur cet engouement autour du lifestyle?

Les gens ont changé leur mode de voyage. Quand ils partent dans une destination, ils souhaitent aller à la rencontre de l’autre, faire la fête, profiter, être dans un lieu qui est beau. C’est ce que l’on retrouve chez Mama. D’ailleurs, quand on parle d’authenticité, ça passe aussi par l’implantation géographique des Mama Shelter. Dans les différentes capitales, la plupart des Mama Shelter sont en périphérie. Par exemple, les Mama sont implantés Porte de Bagnolet, à La Défense ou Porte de Versailles. C’est un moyen aussi de ressentir la ville, tout en gardant la proximité avec les petits commerces et les habitants. Beaucoup de nos clients aiment ce côté underground et sont à la recherche de ce type d’expériences avec un service de qualité.

 

Comment traduiriez-vous les valeurs de la marque ?

Au-delà du concept novateur chez Mama Shelter, avant tout ce sont les équipes qui comptent pour nous. Nous souhaitons que ces équipes se retrouvent dans les valeurs de la marque. La première valeur, c’est la bienveillance. On valorise les futurs membres de façon à ce qu’ils puissent partager facilement leurs différences, sans tabou. En fait, lorsque tu es dans ce partage, tu t’ouvres aux autres plus facilement. Et je l’ai observé à mon arrivée dans le Groupe : on ressent rapidement que les membres prennent soin les uns des autres. Ce mot galvaudé, que tout le monde utilise parfois à tort et à travers, garde tout son sens chez Mama Shelter. La seconde pour moi est l’authenticité. Comme je le disais, on recherche dans les équipes avant tout des personnalités qui feront la différence et qui rendront l’expérience client inoubliable. Quand on recrute des personnes un peu introverties, et qu’on leur demande de faire preuve d’authenticité, on se rend compte que cela libère le showman ou la showwoman qu’il y a en eux. Une autre valeur importante pour moi c’est la passion du métier, ou du moins la passion qu’on a pour les gens. Si on n’a pas forcément eu de formations ou d’expériences dans l’hôtellerie, la restauration, tant qu’on a la passion et l’amour pour les gens, on croit au potentiel d’une personne. On récompense nos talents et on les aide à évoluer en fonction de leur implication. Je prends l’exemple de Francky qui est arrivé en tant que plongeur il y a 15 ans. Aujourd’hui il a pu évoluer comme Sous-Chef au sein de notre tout nouveau Mama Shelter Paris la Défense. On l’a formé, accompagné et maintenant il travaille avec Pierre Chomet qui est notre chef consultant pour La Défense. On retrouve ce genre d’histoire régulièrement. Enfin, il y a l’innovation. Depuis ses débuts, Mama Shelter casse les codes, se réinvente. Dans chaque nouveau Mama Shelter, il y a toujours quelque chose de nouveau tout en conservant ce concept de lifestyle. On arrive à s’adapter aux fortes exigences d’une clientèle avec un service de qualité, tout en étant dans la simplicité, dans le service et l’accueil. Par exemple, je suis originaire de Polynésie donc je connais bien l’importance du tourisme sur cette destination. Le parc hôtelier regroupe surtout des hôtels 4 ou 5 hôtels, mais les équipes ne sont pas toutes formées. Et pourtant, avec la gentillesse et le sourire, les erreurs de service passent. Si on reprend le livre de Serge Trigano, sur la genèse de Mama Shelter, on ressent cette influence de la Polynésie (via le Club Med) et on la retrouve chez Mama Shelter notamment dans le service. Une erreur, ça arrive. Mais l’idée c’est que ça ne se reproduise pas et que le client passe un bon moment. Quand les clients vont chez Mama Shelter, ils connaissent l’expérience qu’ils vont vivre. Et enfin la dernière valeur pour moi c’est la générosité. Chez Mama Shelter, on revoit souvent l’un des visuels qui est la Mama avec ses cheveux et sa mise en plis rose fluo. Cette dame est la mère de Serge Trigano. C‘est un visuel marquant, synonyme de générosité et de simplicité et on le retrouve par exemple dans le plat typique comme les coquillettes servies dans tous nos restaurants : copieux, généreux et convivial.

 

Comment identifiez-vous ces employés qui ont une dynamique qui correspond à votre vision ?

Dès mon arrivée dans l’entreprise, c’est la question que j‘ai posée aux équipes sur le terrain et sur le siège: c’est quoi un profil Mama? La plupart des personnes sont restées muettes à cette question, car en fait c’est intangible. Quand on fait partie du Mama Gang, on le sent ou pas. Chez Mama Shelter, on va rechercher des personnalités avant de rechercher des personnes qui sont là pour un métier. Chacun a son histoire, son parcours avec ses différences, mais c’est cette rencontre de personnes qui vont vraiment faire un ensemble et qui vont vraiment créer ce Mama Gang. Lors d’un recrutement, je peux avoir deux personnes à compétence égale. Celle qui va avoir une personnalité, qui va apporter quelque chose à cette histoire retiendra notre attention. Peu importe l’origine ou l’âge de la personne, ou même si elle a des tatouages ou des piercings. En fait, ce n’est pas un sujet.

 

Comment savoir si votre identité lifestyle n’est pas en réalité uniquement de la communication ?

Tout simplement, car on ne communique pas sur la diversité et l’inclusion. Actuellement, nous créons une page carrière sur le site web de Mama Shelter et on se demandait si on devrait ou non créer une partie inclusion et diversité. On en est venu à se dire que ça n’était pas nécessaire. C’est quelque chose que les membres du Mama Gang font vivre au quotidien. Il n’y a pas de sujet d’inclusion et de diversité, car ça fait partie de l’ADN de la marque.

 

Pensez-vous que cette vision lifestyle peut répondre aux difficultés de recrutement que rencontre le secteur de l’hôtellerie – restauration ?

Il existe une pénurie sur le marché actuel, c’est certain. Le secteur manque de main-d’œuvre, tout type d’hôtels confondus. Néanmoins, nous avons l’avantage d’avoir une marque qui est attractive, qui plaît. Ensuite, dans les recrutements que nous effectuons, nous recherchons des personnalités. Si nécessaire, nous allons les accompagner et les former pour avoir les compétences requises. Si la personne a le sourire avec le client et a le contact facile alors c’est gagné. Des personnes plus introverties peuvent aussi se révéler et s’épanouir pour trouver leur place chez Mama.

 

Comment pouvez-vous définir cette notion d’inclusion chez Mama Shelter ?

Je vais peut-être être dans de la redite par rapport à nos valeurs, mais cela est très lié. Tout d’abord, les échanges et le partage des idées que peuvent avoir les membres du Mama Gang pour faire évoluer notre offre de services sont primordiaux. Ces échanges sont facilités notamment, je pense, par le tutoiement. Chez Mama Shelter, tu as ce contact facile avec n’importe quel membre, tout en conservant le respect pour la personne et sa fonction dans l’entreprise. Ensuite, on essaie de répondre aux attentes de l’ensemble des membres et d’entretenir ce sentiment d’appartenance. Quand tu as ce sentiment d’appartenance à la marque, c’est agréable d’y travailler, cela crée tout de suite une super dynamique pour accueillir les clients dans de bonnes conditions. Notre développement rapide nous challenge pour garder ce sentiment d’appartenance. Malgré les nombreux recrutements que nous faisons (liés à notre expansion en France et à l’étranger), nous avons beaucoup d’opportunités pour continuer de faire vivre la marque. Dernier point, c’est l’agencement de nos lieux. Pour rappel, le premier hôtel était pensé par Philippe Starck. Aujourd’hui, Mama Shelter a son propre designer en interne, Benjamin El Doghaili qui propose aussi de nouvelles ambiances dans chaque hôtel pour rendre le lieu unique. L’agencement des espaces permet aux équipes de s’approprier les lieux et d’en faire leur maison. L’implantation des Mama Shelter a aussi son importance. On se demande où habitent les membres du Mama Gang, généralement ils habitent en banlieue/périphérie. Peu habitent réellement dans les centres-villes. Cela facilite leur déplacement pour leurs trajets entre le domicile et le travail.

 

Pouvez-vous nous illustrer certaines de vos démarches RSE toujours autour de cette dimension sociale ?

À l’heure actuelle, on essaye de coordonner pour l’ensemble des Mama Shelter des réseaux avec des associations de quartier qui sont liées à l’insertion des populations comme les migrants par exemple. En France, c’est assez simple de mettre en place ces collaborations et nous y travaillons à l’international avec les Responsables Ressources Humaines sur sites. On échange par exemple avec Les Cuistots Migrateurs pour former et employer des chefs réfugiés et leur permettre de reconstruire leur vie en France. Ils suivent une formation de 3 mois par l’association puis sont en stage pendant 3 semaines avec une possibilité d’embauche. Ce type d’initiative correspond totalement à l’ADN et aux valeurs de Mama Shelter. Autre point, l’insertion des jeunes dont on ne parle pas assez selon moi. On doit avoir une réelle implication avec les écoles pour créer des échanges et passerelles pour que les jeunes puissent nous rejoindre et que chacun d’entre eux puisse trouver sa place chez Mama Shelter.