Criteo vous parle de sa politique voyage

Antoine Mercadal, Head of Global Events production, Criteo

Emilie Nas de Tourris, Senior Global Travel Manager, Criteo

Comment sont organisés le business travel et le MICE au sein de Criteo ?

Antoine Mercadal : Le MICE dont je m’occupe est très axé contenus et communication, la partie travel qui est celle d’Emilie est un département où l’aspect achats est prédominant. 

Emilie Nas de Tourris : Notre particularité est aussi que nous ne dépendons pas des mêmes services, Antoine dépend du service communication et moi, du service finance. Dans le service travel, nous avons une double casquette. Nous faisons à la fois de l’opérationnel, en support et en plus, nous réalisons les achats travel et négocions donc avec les fournisseurs. 

Antoine Mercadal : Cela nous permet d’être beaucoup plus agiles et d’avoir une meilleure facilité pour proposer des innovations sur nos sujets.

Quelle est votre culture d’entreprise et comment influence-t-elle le voyage ?

Emilie Nas de Tourris : Nous sommes une société de technologies spécialisée dans le reciblage de contenus publicitaires. Nous sommes environ trois mille employés dans dix neuf pays à travers le monde. Nous avons donc vraiment une présence globale. Notre moyenne d’âge est de trente deux ans. L’âge moyen va même être inférieur dans certains bureaux. Nous avons donc une population de millenials. Le voyage chez Criteo fait partie intégrante de l’expérience d’un collaborateur. Quasiment tout le monde voyage, a minima une fois par an et nous avons de grands événements internes. Nous devons répondre, de par notre programme voyages, à leurs exigences et notre mission, en tant que service travel, est qu’il soit aligné avec l’ADN de notre société. Il faut que l’on propose des outils technologiquement efficaces, agréables à utiliser, qui permettent d’avoir du choix et du confort. Nous avons par exemple implanté AirBnB For Work pour répondre aux demandes de nos collaborateurs. Nous avons fait en sorte de palier les barrières que cela pouvait engendrer. 

Antoine Mercadal : Sur cette partie ADN, chez Criteo, depuis le départ, il faut prendre en compte que nous sommes à la fois une entreprise technologique et que nous délivrons à nos clients des outils et de la performance “tech” qui doivent être à la pointe. Nos collaborateurs sont donc habitués à cela. Il est indispensable, pour les garder d’avoir une belle approche de nos collaborateurs. Nous sommes best place to work, cela fait vraiment partie de la culture d’entreprise. Cela se ressent dans la politique voyages que nous pensons avant tout comme l’expérience de voyage. La question est : quelle expérience voyages l’employeur propose-t-il à ses collaborateurs ? Nous refusons de générer de l’incompréhension de la part de nos utilisateurs tout en respectant tous les aspects compliance que nous avons. Nous ne gérons pas juste une politique achats, nous gérons une politique achats dans le cadre d’une expérience.

Dans cet objectif, quelles sont vos relations avec le service Ressources Humaines ?

Emilie Nas de Tourris C’est un département différent. Quand on met en place un nouveau service au sein de la politique voyages, nous le présentons à notre directeur financier et à chaque fois, il essaye de savoir comment les gens vont réagir. Cela fait partie intégrante du processus, même au niveau du top management. La vigilance à l’adoption de ce que nous proposons est primordiale. Même si on ne fait pas partie du département RH, nous sommes très attachés à cela. Nous incluons même notre collaborateur dans le choix de certains de nos fournisseurs. Nous faisons par exemple tester les plateformes. Nous avons fait un panel de personnes représentatives en interne pour donner leurs avis. Ils ont ensuite rempli un petit questionnaire pour partager leur ressenti et leur expérience. Nous, nous sommes “sachants” sur le travel. Nous allons donc avoir des critères bien précis mais eux, en tant qu’utilisateurs, n’auront pas les mêmes critères que nous et c’est très important de les connaître.

Antoine Mercadal : Les RH sont un de nos dix départements, qui s’appelle people experience. Nous parlons d’expérience avec notre Chief Financial Officer (CFO). À chaque fois que l’on parle budget, notre CFO mentionne toujours l’expérience, c’est une préoccupation quotidienne. C’est dans la culture d’entreprise, à tous les niveaux. Notre but est d’offrir une expérience globale. Je pense aussi globale avec des événements où 100% des employés sont invités. Nous déployons une expérience très forte et allons loin sur le sujet. Nous leurs offrons une multitude de choix. Nous ne sommes pas sur une population qui veut le dernier palace, nous sommes face à des collaborateurs qui recherchent une expérience qui corresponde à leur personnalité. Souvent, cela est aussi une bonne chose d’un point de vue achat. Tout le monde est donc satisfait ! 

Chaque moment du déplacement est pensé ?

Emilie Nas de Tourris : Tout à fait, nous parlons de end to end. Aucun micro-moment n’est abandonné. Les fournisseurs aiment aussi travailler avec nous pour cela, parce que nous les challengeons dans le bon sens et essayons toujours d’avoir une relation de partenariat avec eux. Nous voulons co-créer avec eux. C’est plus difficile de le faire avec des globaux et c’est là que nous devons réussir à améliorer leur roadmap et à avancer. Il faut néanmoins se méfier des a priori. On pourrait croire que certains acteurs sont très innovants et toujours prêts à faire du développement, ce n’est pas forcément le cas. 

Antoine Mercadal : Pour illustrer les propos d’Emilie, je vous livre un exemple de “gestion de crise” d’un événement passé : nous avons déjà eu des TGV charters, nous avons eu une alerte pour nous dire que le TGV allait être bloqué 2h, chez nous, c’était branle-bas de combat ! J’ai fait venir tous les jeux de voyages des magasins de jouets des alentours pour transformer ce moment d’attente en expérience positive. C’est très important pour nos collaborateurs, donc pour nous.

Remarquez-vous s’il existe des typologies de fournisseurs qui sont plus agiles que d’autres pour s’adapter à vos demandes ? 

Emilie Nas de Tourris : Sur la partie business travel, cela dépend des investissements et de la volonté d’investir. Aujourd’hui, il y a des acteurs BtoC qui lancent des offres BtoB mais ne sont pas prêts à faire des développements supplémentaires pour cela. Ils sont dans une optique de standardisation. 

Antoine Mercadal : Nous avons aussi ceux dont c’est le corps de métier. On peut donc discuter avec eux. Ils se rendent compte que notre demande pourra plaire à d’autres et crée une valeur ajoutée pour eux. Ils sont alors beaucoup plus prompts à faire évoluer leur offre. Dans ce cas, nous avançons vraiment dans un mode de partenariat et pouvons servir de beta test pour la version demandée.

Comment voyez-vous la politique voyages ?

Antoine Mercadal : Ce n’est pas parce qu’on est jeune, hyper personnalisé et qu’on aime les belles expériences que l’on n’a pas de cadre. Nous avons un cadre niveau achats, niveau sécurité et un cadre réglementaire. Ils peuvent être très contraignants, la sécurité est toujours la priorité. Nous communiquons beaucoup autour et nous devons décider à quel point ce cadre sera rigide.

Emilie Nas de Tourris : Aujourd’hui, nous sommes tributaires des outils en ligne. Nous aimerions apporter beaucoup plus d’innovations sur notre politique voyage, par exemple, apporter davantage de confort pour un prix équivalent, voire inférieur, notamment sur l’aérien mais on n’arrive pas à le faire dans les outils. Nous travaillons à ce sujet et essayons d’influencer les road maps des éditeurs d’outils mais en fait, ce n’est pas la norme aujourd’hui. Il faut aussi que ces acteurs arrivent à sortir de ce schéma de pensée qui commence à évoluer vers la technologie mais ce n’est pas évident. Il faut que nos outils retranscrivent exactement ce que l’on met dans notre politique voyages. 

Antoine Mercadal : Prenons un exemple concret, pour le voyage que je dois planifier, j’ai droit à un voyage en éco+ dans la compagnie X, en direct. Au moment où je réserve, la compagnie Y fait une promotion sur sa business, je n’ai pas le droit à la business. Mais si de ma propre initiative, je me rends compte que je pourrais voyager mieux, tout en faisant dépenser moins à mon entreprise mais qu’elle ne peut pas s’adapter, on fera face à une grosse incompréhension. Notre politique existe mais nous pouvons faire des exceptions lorsque cela fait sens.

Emilie Nas de Tourris : Nous avons besoin de plus de souplesse technologique et d’algorithmes plus puissants pour pouvoir mettre cela en place. Il y a de nouveaux acteurs qui entrent sur le marché et proposent ces solutions, ils cassent les codes mais il y a encore beaucoup à faire. Nous poussons nos fournisseurs pour les faire entrer dans cet état d’esprit et leurs faire comprendre les incohérences des politiques voyages. Le volume que l’on représente ne justifie pas toujours les modifications que nous souhaitons. C’est pour ça que nous devons travailler main dans la main.

Quelles sont les nouvelles attentes que vous remarquez chez les collaborateurs ?

Antoine Mercadal : Côté MICE, cela concerne surtout les politiques RSE. Nous faisons face à l’interne qui nous demande d’avoir les informations qui le concernent, l’interne qui nous challenge pour savoir pourquoi on propose les choses ainsi, l’interne qui refuse de se déplacer parce qu’il considère avoir dépassé son quota de dépense de CO2. Nous sommes obligés de les prendre en compte correctement, ce n’est plus un cadeau que l’on fait à l’écologie comme il y a trois ans, à grands cris de communication, c’est en train de se retourner. Si on ne le fait pas, les gens ne viennent pas. J’ai voulu utiliser récemment des stocks que nous avions de gobelets plastiques, les gens ont été choqués, notre population est très sensible à cela. 

Emilie Nas de Tourris : Sur la partie travel, c’est pareil, nous avons une demande qui revient de plus en plus de la part du collaborateur, il veut savoir combien il a dépensé de CO2 dans l’année. Nous avons aujourd’hui la data mais nous n’avons pas l’outil disponible pour la transformer et lui répondre. Cela devient crucial pour nous, avec cela, nous allons pouvoir éduquer les gens, les rendre conscients de pleins de choses, comme le tonnage CO2. Les gens veulent de la visibilité et être en mesure de s’auto-gérer. 

Antoine Mercadal : C’est important de faire ces investissements et d’être proactifs dans toutes ces nouvelles mesures. Nos collaborateurs ont aussi besoin de voir que nous sommes en mesure de leurs proposer des choses. C’est vrai que cela peut représenter un investissement financier. Je pars du principe que l’on a l’impression que ça coûte à partir du moment où l’on pense que l’on peut s’en passer. Il y a énormément de choses à mettre en place dans le travel et l’événementiel. Je pense notamment aux stands, c’est hyper énergivore ! Pour la première fois cette année, nous avons réussi à compenser le tonnage carbone dépensé lors de notre plus grand salon annuel. Nous avons mis en place un partenariat pour planter des arbres équivalent à notre tonnage CO2. Si on intègre cela directement dans les budgets événementiels, on arrivera à une consommation plus responsable sans avoir le sentiment que cela coûte cher puisque dès le départ, on aura comparer avec le même niveau de responsabilité. Dans tous nos briefs, nous impliquons cette question dès le début du processus. Nous ne pouvons pas faire autrement pour ne pas dégrader l’expérience événementielle que nous proposons. Je pense que dans un futur très proche, nous serons capables de proposer à nos salariés de leurs payer des jours de bénévolat pour leurs proposer d’oeuvrer dans des associations à caractère écologique et les aider à compenser leur dépense carbone. Comme cela, nous aurons la sensation de terminer la boucle mise en place.

Emilie Nas de Tourris : Les fournisseurs commencent à changer d’état d’esprit sur le sujet, ce n’est pas la priorité pour les agences mais cela arrive. Nous voulons faire entrer le tonnage de CO2 dans les critères de choix. Le prix est un facteur important de notre choix mais il n’est clairement pas le seul. C’est seulement à expérience égale que l’on pourra comparer les prix. C’est aussi lié à notre fonctionnement, nous faisons des achats et de l’opérationnel tout le temps. Les fournisseurs sont habitués à ne s’adresser qu’aux acheteurs, chez nous, ce n’est pas ainsi, cela peut surprendre parfois. Le déploiement et la mise en oeuvre sont gérés par quelqu’un d’autre. Nous avons un trio incontestable dans les négociations entre acheteurs, travel et événementiel, c’est ce qui fait notre force.

Comment échangez-vous avec vos voyageurs pour avoir leurs retours ?

Emilie Nas de Tourris : Sur la partie travel, nous avons une adresse générique avec identité, logo et portail sur intranet qui permet aux collaborateurs d’aller chercher l’information eux-même ou de nous contacter. Nous utilisons aussi Slack. Nous avons pris le parti de ne pas ouvrir une communauté travel sur Slack car nous n’avons pas de modérateur. Nous ne voulons pas d’une boîte de Pandore ! Ce type de communication fonctionne bien, nous avons des feedbacks et nous avons comme projet de mettre en place un bot sur notre portail pour accroître cette communication. Les gens sont plutôt autonomes et nous avons donc à faire à des questions pertinentes. Pour mesurer la qualité de nos services, nous faisions un questionnaire annuel mais nous voulons arrêter et sommes en train de travailler sur un autre mode de mesure de satisfaction avec la communication interne et allons faire quelque chose de beaucoup plus concret, qui sera également en amont de nos actions. 

Antoine Mercadal : Nous sommes vraiment challengés par nos collaborateurs et ces questions sont posées différemment selon la nationalité, c’est très enrichissant ! Concernant le retour d’expérience, c’est assez différent selon la taille de l’événement. Cela dépend aussi beaucoup de l’expérience de chacun et nous devons les prendre en compte. Nous envoyons des questionnaires juste après les événements et rendons publics les résultats. Nous avons un vrai service client sur les gros événements avec à la fois des FAQ et des emails avec des humains qui répondent donc nous étendons les équipes ponctuellement pour offrir un support rapide et nous nous servons de tout cela comme source pour la personnalisation. 

.