Pour engager des changements, la première étape reste l’observation et la compréhension des environnements dans lesquels nous évoluons. Comprendre le secteur à travers les paradoxes nous aide à identifier les forces en mouvement. Revenons sur certains d’entre eux.
Le paradoxe de la congestion: dans le monde contemporain, la courbe représentant les flux touristiques n’a cessé d’augmenter malgré les différentes crises que le secteur a pu rencontrer. Les sites tentent d’attirer des visiteurs qui peuvent entraîner une surcharge sur les infrastructures et une dégradation de la qualité de vie pour les résidents, et une domination de la qualité de l’expérience touristique. Cette augmentation de la fréquentation se retrouve à l’échelle globale, mais aussi à l’échelle locale. Victimes de leurs succès, des villes comme Amsterdam, Venise ou Dubrovnik attirent une foule importante de voyageurs. Concrètement, les files d’attente s’allongent, les prix augmentent et les environnements se détériorent.
Le paradoxe se retrouve donc entre ce besoin d’augmenter le nombre de visiteurs pour augmenter les retombées économiques, et l’impact négatif que cette foule peut avoir sur l’expérience touristique et la qualité de vie.
Le paradoxe de l’authenticité: l’une des motivations principales pour le voyageur est de s’immerger dans une destination, prendre connaissance des pratiques culturelles et découvrir les traditions. Dans cette volonté de partager et de protéger son patrimoine, certaines destinations peuvent tendre vers une perte de l’authenticité culturelle à travers une commercialisation des traditions locales. Ainsi, les acteurs de la destination vont réduire certaines pratiques culturelles à ce que les voyageurs souhaitent voir et tendre vers le spectaculaire ou le stéréotype. Aussi, le voyageur souhaite découvrir des environnements préservés, au cœur de l’histoire. Cependant, il n’est pas prêt à dormir avec les commodités du passé. Ainsi, pour l’accueillir, il est nécessaire de créer des infrastructures modernes qui correspondent à leurs attentes au risque de perdre son charme historique.
Le paradoxe se retrouve entre cette volonté de préserver et de partager une culture puis celle de vouloir accueillir le voyageur et de réduire sa culture à ce que le voyageur souhaite découvrir.
Le paradoxe de la gentrification: la gentrification correspond à un phénomène d’embourgeoisement urbain qui entraîne une hausse des prix de l’immobilier et des commerces de proximité. Ce phénomène est parfois décrié puisqu’il entraîne la destitution des espaces urbains pour les résidents d’origine, voire une perte de la diversité culturelle. Dans le tourisme, ce sont les flux de voyageurs qui entraînent ce phénomène de gentrification en expulsant les populations locales de certains quartiers, voire de certaines villes. Les studios et les appartements deviennent des logements proposés en location de courte durée et des décorations aseptisées. Les bistrots, librairies ou drogueries disparaissent au profit de boutiques souvenirs et de bars branchés. La diversité culturelle laisse place aux chaînes et grands groupes.
Le paradoxe se retrouve entre le besoin d’accueillir les voyageurs et de répondre à leurs attentes et leurs pratiques de touristes, et le besoin pour les locaux de pouvoir exister et évoluer dans des villes qui leur ressemblent.
Le paradoxe de la surconsommation: la surconsommation se retrouve dans une utilisation excessive, voire inutile, de ressources matérielles, au-delà des besoins réels d’un individu ou d’une société. Elle peut être le résultat d’une pression ou de normes sociales ou d’un besoin suggéré ou encouragé par des entreprises. Dans le tourisme, la surconsommation des ressources est un problème majeur puisque le tourisme, bien que vecteur de bien-être, n’est pas un besoin primaire. Cependant, il peut entraîner le gaspillage des ressources qui sont nécessaires et précieuses pour des populations locales. Par exemple, un touriste consomme trois à quatre fois plus d’eau qu’un résident. Aussi, cette surconsommation peut se retrouver dans les dépenses de l’individu, souvent supérieures à celui du quotidien, et supérieures à celui qui avait été identifié: après tout, “les vacances, c’est fait pour profiter”.
Le paradoxe se retrouve dans cette pression qui entraîne le développement des activités touristiques et l’impact qu’il peut avoir sur les environnements. Aussi, le tourisme comme toute industrie commerciale peut encourager le voyageur à partir et dépenser un budget qui aurait pu être démesuré avec des bénéfices relatifs.
Le paradoxe de la durabilité: le premier paradoxe auquel nous pouvons faire référence est celui dont tout le monde a conscience : le durable. Il se réfère aux bénéfices économiques que peut apporter l’activité touristique face aux enjeux durables des destinations. Ainsi, pour préserver les espaces, des lieux peuvent limiter l’accès en le rendant payant ou plus cher, ce qui réduit l’accès et la démocratisation des activités touristiques. Aussi, la proximité et le lointain se bousculent. En effet, toutes les destinations ne se ressemblent pas. Bien qu’elles comportent toutes des caractéristiques culturelles uniques, “la misère serait moins pénible au soleil”. Ainsi, la proximité comme seule solution aux déplacements durables ne permet pas de répondre aux besoins de curiosité des voyageurs. Le paradoxe repose dans les trois piliers sur lesquels repose le développement durable. En effet, difficile de faire coexister les externalités liées à la protection de l’environnement, aux besoins de considérations sociales et aux impératifs qu’impose l’économie.
Cependant, les paradoxes tendent à exister si nous concevons le monde de manière binaire en opposant ce qui est positif ou négatif, ce qui est blanc ou noir.
La réalité montre que la nuance et l’équilibre sont souvent difficiles à mettre en place. Définir des paradoxes nous aide à comprendre les mouvements qui nous bousculent pour nous engager vers de nouveaux espaces temps du tourisme souhaitables.