Ziad Minkara, CEO, CDS Groupe
Pouvez-vous présenter CDS Groupe ?
CDS Groupe est une société spécialisée dans les solutions de réservation et de paiement dans l’hôtellerie d’affaires. Nous sommes aussi bien éditeurs de technologies que plateforme de réservation, nous avons les deux métiers. Notre offre s’adresse essentiellement aux grands comptes en direct et aux agences de voyages partenaires qui distribuent nos solutions. Nous existons depuis 18 ans et gérons 100 millions de volume d’affaires. Nous nous déployons grâce à nos partenariats, notamment avec les OTA, nous sommes revendeurs par exemple de Booking for Business. Nous avons aujourd’hui une position de leader sur la France et notre objectif pour 2020 est d’aller sur le marché européen. Point très important pour notre système de distribution, nous sommes une société indépendante et ne faisons que du BtoB : c’est un positionnement stratégique.
Comment prenez-vous en compte la place du voyageur au sein de vos activités ?
Nous le prenons en compte en premier lieu lors de sa réservation. Aujourd’hui, 90 % de nos réservations passent en ligne, les 10 % offline sont gérés par les agences. Nous n’avons donc pas de contact direct avec les voyageurs. Nous essayons d’apporter les meilleurs solutions de réservations online et de faire en sorte que les agences aient les outils pour répondre aux attentes des voyageurs. Un voyageur d’affaires aujourd’hui recherche un hôtel qui soit proche de son site de destination et conforme à sa politique hébergements. Ce sont les deux notions sur lesquelles nous allons d’abord les accompagner. En second lieu, nous sommes présents 24h sur 24h pour gérer les réclamations. La première problématique d’un voyageur est d’arriver à l’hôtel et de trouver sa chambre, la deuxième est d’être certain que le paiement fait par l’entreprise a bien été pris en compte, la troisième est de s’assurer qu’il n’aura ensuite rien à gérer concernant sa note de frais. De leurs côtés, les travel managers veulent apporter du choix à leurs voyageurs, nous devons donc leurs donner une très grande offre hôtelière qui soit conforme à leurs attentes pour éviter le leakage.
Le voyageur d’affaires est désormais au centre des réflexions sur les politiques voyages. Comment travaillez-vous avec vos clients sur l’évolution des politiques voyages en politique “voyageur” ?
On entend beaucoup parler de cette tendance dans les médias mais pour être tout à fait transparent, avec les clients, on parle davantage de ROI, on ne parle pas vraiment du voyageur. Ce n’est pas aussi tranché que cela.
Oui et non à la fois. Si nous prenons l’exemple des marchés publics, ils ont longtemps recherché uniquement des tarifs très bas et demandent aujourd’hui d’augmenter la qualité des chambres proposées aux voyageurs. Sur des clients corporate, on commence à voir la prise en compte de ces retours d’expériences dans les choix de la travel policy et l’offre hôtelière proposée aux voyageurs. Cependant, nous n’avons de vraie politique hébergement comme cela devrait être le cas.
Les vraies questions qui se posent aujourd’hui sont : suis-je assez bien équipé pour pouvoir calculer mon ROI sur un programme hôtelier, avec des tarifs linéaires ? Là, vous avez trois visions :
- celle du client qui dit “je ne veux plus faire de programme hôtelier, je prends le meilleur tarif du jour, il me faut donc un partenaire multi-sourceur intégral ”. C’est une vision qui sort un peu du lot.
- Celle des acheteurs assez matures pour qui, nous pouvons construire et piloter un vrai programme hôtelier au sens strict.
- La troisième vision concerne une utilisation d’une OTA assez large. Dans ce cas, le client pense “je vais proposer 600 hôtels à des prix vraiment négociés et le reste, je vais aller en best buy ”.
Au niveau ergonomie, nos outils ne sont pas au niveau des outils du loisirs, il faut qu’on donne aux clients le choix, c’est là notre différence. Nous devons rappeler la travel policy avec les city caps par ville et la distance à son lieu de destination. Une fois que ces trois éléments sont réunis, vous voyez baisser le leakage.
Côté sécurité, quelles sont vos actions ?
Depuis maintenant 3 ans, les notions de voyageurs sont combinées avec la notion de sécurité.
Les politiques voyages évoluent dans ce sens afin de :
- Pouvoir localiser en temps réel le voyageur.
- Pouvoir assister le voyageur lors de son déplacement.
- Sécuriser les accès des voyageurs sur les plateformes.
- Appliquer la notion de RGPD et notamment le droit au portage et à l’oubli au delà de 3 ans.
- Assurer la notion de sécurité des paiements au travers des normes PCI et surtout PSD2 qui obligent la double authentification.
- Exclure certaines zones à risque des déplacement des voyageurs.
Nous intégrons toutes ces notions dans nos outils et processus.
Les services par les hébergements sont-ils intégrés dans les canaux de distribution et en quoi modifient-ils votre activité ?
Les dernières études Xerfi de 2019 démontrent effectivement que l’offre de services est en plein développement du côté des hôtels qui reviennent dans leur cœur de métier qui est l’hospitalité. Les millennials ont notamment fait bouger les lignes sur ce point. Les hôtels deviennent de vrais lieux de vie. Côté entreprise, c’est plus compliqué car ils sont limités par un interfaçage SBT qui va être pauvre en termes d’images, de textes, de services et de notations. Par exemple, on ne peut pas toujours faire remonter des avis sur un SBT. Nous sommes donc aujourd’hui limités dans notre développement en termes d’interfaces clients. Certains SBT ont évolué en ce sens mais ils investissent davantage dans l’expense. Cela permet de voir arriver de nouveaux entrants sur le marché avec des solutions conçues de bout en bout sur les bases des sites de réservation loisir. Je pense notamment à Ekotrip, Supertripper, The Treep, etc. Ils arrivent avec une nouvelle interface qui fait bouger les lignes, sur la partie établissements en tous cas.
Quels sont les canaux de communication utilisés avec vos clients ?
Nous utilisons essentiellement le téléphone. Nous avons comme prestataire Keep Call, parce qu’il connaît le langage BtoB. Nous savons parler aux intermédiaires, ils savent parler aux voyageurs, c’est essentiel. Nous arrivons en support aux agences. C’est très varié, selon les plateformes mises en place par les agences. Notre canal de communication est donc très inégal d’une agence à l’autre. Dans l’hôtellerie, il y a énormément de mauvaises pratiques, le surbooking par exemple, la non-prise en compte des cartes virtuelles aussi. Notre rôle sera alors la relation avec les établissements pour éviter ce genre de problème et leur apporter des processus standards. Nous sécurisons ainsi le parcours de réservation du voyageur, avec notamment la vérification de la réservation d’une chambre. Nous avons également une innovation autour de la voix avec la mise en place dès janvier, du voucher hôtelier vocal, le voyageur ne sera donc plus seul. S’il y a un problème, un service 24/24 sera disponible. Le marché en termes de litiges est autour de 1,8 % des transactions, nous sommes sur 0,4 % donc sommes bien positionnés.
Quel est le rôle de l’agence de voyages aujourd’hui et comment va-t-il évoluer dans les années à venir, notamment dans la prise en compte du voyageur ?
Depuis 18 ans, j’entends que l’agence de voyages va disparaître. Je pense que c’est une folie, l’agence est clef dans l’organisation. On peut se retrouver partenaire ou concurrent d’une agence mais l’agence ne va pas disparaître. Elle a évolué. Elle ne sera jamais prestataire technologique, en revanche, ce qu’elle arrive à faire, c’est fédérer tous les outils de technologies, pour apporter une transversalité, une transopérabilité des outils et apporter un ensemble de services au voyageur et lorsque l’agence pourra répondre à l’intégralité de la prestation du voyageur pendant son déplacement, elle apportera de la valeur et elle pourra le facturer. Donc oui, l’agence a un rôle à jouer, d’autant plus sur la partie hébergement où l’on est sur un marché extrêmement fragmenté. C’est là que nous sommes partenaires, nous leurs apportons des outils, très faciles d’utilisation. Nous leurs proposons du contenu mais aussi du paiement et de la dématérialisation et elles peuvent avoir une rémunération complémentaire. On trouve de plus en plus d’agences qui se spécialisent sur la partie hôtel donc leurs équipes se forment et apportent un service de qualité au voyageur.
Est-ce que dans la prise en compte de ce voyageur, vous voyez une différence entre les grandes TMC et les petites agences plus locales ?
Certaines agences de voyages pêchent par leurs services, parce que le centre de décisions n’est plus en France, les équipes sont fragmentées. C’est là où l’on trouve des agences intermédiaires qui arrivent à percer. Les grands comptes pèsent en termes de volumes mais pas en termes de services aux voyageurs. On commence à trouver les agences intermédiaires dans les CAC 40. Celles qui sont très expertes sur les SBT et en termes de services se forment et arrivent à avoir un marché. Le panel d’agences est aujourd’hui beaucoup plus large. Sur la problématique hôtel, les grandes agences ont toutes la même technologie, elles sont donc limitées par rapport à leur développement et à leurs services. C’est là où nous arrivons à apporter un service complémentaire.
Les voyageurs d’affaires sont de plus en plus sensibles aux questions environnementales et souhaitent pouvoir sélectionner des hébergements qui s’engagent sur le développement durable. Comment travaillez-vous sur ce sujet avec les entreprises et les hôteliers ?
Effectivement, je pense que la nouvelle génération consomme “éco”. On devrait pouvoir choisir son hébergement par rapport à cette notion green mais pour l’instant, les outils priorisent l’expense, pas encore le green. Donc il y aura un vrai changement là-dessus dans le futur. Mais il y a des modèles qui commencent à se développer autour de cela. Nous avons d’ailleurs gagné des clients grâce à nos partenariats avec The Treep ou Ekotrip. De notre côté, nous avons mis en place une base écolabel qui permet de sélectionner les hôtels qui ont cet écolabel. Nous sommes encore à ce stade sur du déclaratif hôtelier, nous n’avons pas encore l’obligation dans les politiques hébergements de le déclarer. En terme social, nous sommes engagés avec l’organisation internationale de la francophonie sur la diversité donc pas de discrimination, nous avons également fait notre bilan carbone, nous le faisons évoluer. Ce que nous n’avons pas, c’est le bilan carbone du voyageur. Mais nous avons en revanche la possibilité de géolocaliser le lieu de déplacement vers l’hôtel donc tout opérateur qui se positionne entre les deux peut calculer le bilan carbone de ce trajet. Il s’agit également de mettre le voyageur en situation de handicap au coeur du processus pour qu’il ne subisse plus de discrimination. C’est un engagement fort dans nos équipes, dans la culture d’entreprise et dans la technologie des années à venir.
Le voucher vocal mis en place avec The Treep va-t-il permettre une meilleure accession au service pour les personnes atteintes d’un handicap visuel ?
Oui, même si cela n’a pas été conçu dans cet objectif premier, le voucher vocal va pouvoir accompagner les Personnes à Mobilité Réduite (PMR). C’est un enjeu important et nous souhaitons agir dans les politiques voyages entreprises pour lutter contre ces discriminations. Sur nos outils, nous sommes en mesure de faire remonter les informations concernant la capacité d’un hôtel et surtout d’une chambre, à accueillir un voyageur PMR. Tous les hôtels ont un accès handicapé mais toutes les chambres n’en ont pas. Nous travaillons à la mise en place d’un chat privé entre le voyageur en situation PMR et l’hôte afin de créer une mise en contact directe qui permettra un meilleur accueil. C’est l’hébergement aujourd’hui qui est le plus complexe dans le déplacement des PMR. Il faut donc commencer par trouver le bon hôtel.