Christian Mourisard, Président de la Fédération Nationale des Offices de Tourisme
Pouvez-vous nous présenter votre rôle et vos fonctions ?
J’ai été élu président de la Fédération Nationale des Offices de Tourisme de France en avril 2017. Je suis aussi président de la Fédération Régionale des Offices de Tourisme de la région Sud-Provence-Alpes-Côtes-d’Azur et je suis “accessoirement” adjoint au tourisme et au patrimoine du maire d’Arles. j’y termine mon mandat.
Au vu de vos postes, quel est pour vous le rôle de l’accueil touristique en France, que ce soit pour les touristes étrangers ou pour les français ?
Le bel et bon accueil ne dépend pas de la nationalité de la personne que l’on a en face de soi. Il est vrai que pour bien accueillir, il vaut mieux parler la langue de la personne que l’on reçoit, nous nous y attachons énormément par le biais des formations. Sur un plan plus général, il est un fait que nous avons en France un retard et je m’aperçois, au niveau des institutionnels, que ce soit les aéroports, la SNCF, la RATP, qu’il y a un effort conséquent d’annonces dans plusieurs langues. Donc je pense que l’on commence à prendre la mesure de l’importance de l’accueil. L’accueil, c’est aussi une affaire de professionnels. Trop longtemps, on a pensé qu’on pouvait faire ce type de prestations de services sans être formé. Ce constat est une erreur car professionnaliser l’accueil pourrait déboucher sur de belles perspectives d’emplois. Malgré le fait que ce soit des postes avec un grand nombre de contraintes, il faut être en mesure d’accueillir le client, quel qu’il soit.
Quelles sont les compétences nécessaires pour gérer cet accueil et de quelles compétences allons-nous manquer en France ?
L’accueil, c’est comme lorsque l’on parle de tourisme: il y a plusieurs tourismes, il y a plusieurs accueils. Faire de l’accueil dans l’hôtellerie c’est une chose, dans la restauration c’en est une autre, dans un office de tourisme, c’est encore différent. Il faut donc s’adapter à chaque situation. Il y a des formations, que ce soit dans des écoles d’hôtellerie ou autres mais je crois que la faille est aussi au niveau de l’employeur qui n’a pas toujours le même souci de compétences pour tous les types de postes. Il faut avoir ce souci permanent. Nous l’avons d’ailleurs en office de tourisme. Nous ne disons plus hôtesse d’accueil mais conseillère en séjour car le métier a évolué.
Pouvez-nous nous décrire le projet “l’office du tourisme du futur” et ce qu’il implique dans l’appréhension et la façon d’accueillir le client ?
Au regard des cent ans d’existence de notre fédération et des cent vingt ans d’existence des plus anciens offices du tourisme, il est nécessaire de prendre en compte les changements de nos clientèles. Nous sommes passés, même si cela existe toujours, de la distribution du plan de la ville et de la liste des hôtels et des restaurants à autre chose. Nous nous intéressons au client, nous lui demandons qui il est, d’où il vient, combien de temps il va rester sur le territoire. C’est une façon d’appréhender l’accueil de façon différente car il faut privilégier le contact humain et le remettre au centre pour suppléer à tout ce que le touriste peut avoir via son smartphone. Il faut aller au-delà du renseignement et lui apporter autre chose. C’est ça qui est important et fait partie de notre évolution. L’office du tourisme de demain est un prestataire de services, il doit devenir une sorte de conciergerie où l’on pourra demander l’impossible !
Pensez-vous que l’office peut arriver seul à ce niveau de services ou cela doit-il passer par un partenariat avec des acteurs privés ?
Bien-sûr, l’office du tourisme ne sera que l’intermédiaire. Je vais par exemple à l’office du tourisme. Je veux faire de l’équitation. Je demande un conseil à l’office du tourisme et la personne en face devrait être en mesure de déployer un panel de tout ce qui existe et vendre du rêve. Il faut donc avoir à la fois la connaissance des prestataires et être le garant de la démarche qualité. C’est ce que ne savent pas faire aujourd’hui les plates-forme mais elles vont s’y atteler. Il y a un travail énorme qui nous attend par rapport à ce rapport humain. Nous avons aussi une position commerciale, nous sommes dans le business. En devenant prestataire de services, nous agissons comme une marque.
Comment le rapprochement des Fédérations nationales des Comités régionaux du tourisme, des comités départementaux du tourisme et des Offices de Tourisme.
La fusion des branches n’a pas de rapport direct. Les CRT n’ont pas vocation à accueillir. En revanche, que nous ayons une meilleure relation dans les trois strates, pour qu’il y ait une meilleure définition des stratégies touristiques à mettre en place, avoir une meilleure connaissance de nos clientèles, mieux suivre leurs évolutions : cela peut améliorer l’accueil. Les nouvelles générations doivent revenir aussi aux offices du tourisme. Ils pensent avoir tout sur leurs smartphones et outils numériques mais ils vont bien finir par se rendre compte que le contact humain a une autre dimension et une autre valeur.
Comment optimiser la récolte et l’analyse de données ?
C’est notre faiblesse… Il n’y a pas d’organisme aujourd’hui en France qui arrive à compiler, à la fois l’activité commerciale, l’apport qu’est le tourisme dans les commerces traditionnels, la restauration, etc. Les données les plus faciles à obtenir viendraient des hôteliers mais cela ne suffit pas pour faire des statistiques. Nous en avons parlé avec le secrétaire d’État. Cela va être une des prochaines mesures. Nous ne voulons plus attendre les chiffres de l’INSEE qui nous donne des résultats tous les deux ou trois ans. Si on veut faire évoluer les choses correctement, il nous faut être beaucoup plus réactif que ce que l’on est mais il est difficile de mettre à contribution encore plus les professionnels. Depuis vingt ans que je suis président de mon office, je suis surpris de ne pas avoir un chiffre significatif de ce que représente l’impact touristique sur l’économie d’une ville comme la mienne.
Cela signifie-t-il qu’il y aura dans les offices des personnes dédiées à la relation clients et d’autres, spécialisées dans l’analyse et les statistiques ?
Nous abordons un virage important où nous réalisons que dans nos personnels, par rapport à la représentation dans leurs missions, tout ce qui touche au e-tourisme et à la donnée est problématique. Aujourd’hui, le webmaster alimente la base de données et le site internet mais ne recueille ni n’analyse les données. Je pense que dans le cadre de la fusion et de la meilleure liaison dans le travail de réflexion sur les territoires nous permettra d’avancer. C’est le secteur où nous avons la plus grande marge de progression. J’ai par exemple reçu vingt jours après la fin de l’année la fréquentation des monuments historiques de la ville. Ce sont des chiffres très intéressants mais à partir de ces chiffres tangibles, beaucoup d’éléments sont évalués, je pense, “au doigt mouillé et à l’expérience”. Ce n’est pas suffisant. Des systèmes technologiques existent, il faudra qu’il y ait des gens qui ne soient en charge que de cela.
Comment arriver à avoir un accueil adapté pour les différentes typologies de voyageurs tells que le voyageur classique, le voyageur d’affaires, la cible événementielle et comment parvenir à des statistiques performantes multicibles ?
Il y a ces trois types-là et en plus, il faut prendre en compte leurs origines, soit ils viennent de l’international, du national ou du régional. Si je prends ce qui se passe dans notre région Sud, nous avons l’avantage que notre fond de commerce à 50 % soit une clientèle régionale, nous subissons donc moins les aléas et les contrecoups des éléments que l’on ne maîtrise pas. Que ce soit les épidémies, les attentats, etc. C’est ce qui fait notre force aussi. Il faut beaucoup que la filière dans son ensemble se préoccupe de la clientèle française et des résidents.
Avez-vous constaté un changement dans les typologies de séjour ?
Là aussi, cela dépend des secteurs mais il est vrai que les vacances que j’ai connues enfant, où l’on louait trois semaines quelque part et toujours au même endroit deviennent de plus en plus rares. Il y a donc une remise en cause de la durée et de la fidélité, que l’on peut encore retrouver sur un tourisme très typé qui est le tourisme de plein air. Les gens retournent dans ce cas dans le même camping car ils vont y retrouver leurs amis, etc. C’est aussi une clientèle en grande majorité française, régionale et nationale, qui pratique ce type de tourisme et d’hébergement.
Il y a de nouveaux acteurs arrivés sur le marché avec l’e-tourisme, Il ne faut pas provoquer une forme de dérégulation du tourisme et c’est là où le rôle de l’état est effectivement de faire respecter les règles. Les hébergeurs professionnels par exemple souhaitent que les règles auxquelles ils sont soumis soient les mêmes pour tous et que chacun soit déclaré.
Concernant l’overtourisme, pensez-vous qu’il s’agit d’un montage des médias ou est-ce une réalité que vous constatez et sur laquelle vous travaillez ?
Il est vrai que l’évolution des réservations et des locations saisonnières ont provoqué dans certaines villes des conflits d’usages, des problèmes de spéculation mais nous ne sommes pas dans le phénomène de surfréquentation. Nous avons quelques spots où il y a trop de monde mais nous ne sommes pas dans une situation trop tendue. Nous travaillons néanmoins à un tourisme respectueux, à l’ouverture à la “désaisonnalité”. Même si c’est un mot qui n’est pas beau, nous l’utilisons ! Nous oeuvrons pour aller vers un tourisme de partage, nous revenons à l’humain et avons des clientèles qui sont très pointues sur ce qui touche au respect environnemental.
La labellisation sur le tourisme environnemental va-t-elle selon inffluencer le choix des voyageurs ?
Oui, je le pense. Les professionnels y sont aussi très sensibles. Le tourisme durable est un axe qui a pris tout son sens aujourd’hui. Je suis très affirmatif là-dessus. Il faut faire du tourisme de qualité et qui préserve l’environnement. Je crois que tout le monde a pris conscience de cela.
Comment arrive-t-on à faire passer cette prise de conscience et toutes ces valeurs de l’accueil auprès des collaborateurs ?
Cela passe forcément par la formation, il n’y a pas de miracle. En tant que fédération, nous allons signer des conventions, choisir nos partenaires, etc. C’est notre rôle, en tant qu’institutionnels, de faire passer les messages et de faire connaître les bonnes pratiques. Nous faisons un travail de sensibilisation des offices, de l’ensemble des collaborateurs. L’évolution des conseillers en séjour a été énorme, notamment dans leur spécialisation. Une des premières missions de la fédération est la formation de nos agents.
L’accueil passe aussi par le client. Avez-vous mis en place des démarches de co-construction de l’accueil avec les voyageurs, via des témoignages ou des présences en offices par exemple ?
Nous sommes très attachés à la satisfaction du client qui nous porte mais est-ce que le client lui-même peut devenir un ambassadeur… Il y a des règles à respecter.
On connaît le poids des avis aujourd’hui. On ne voudrait pas que la destination soit vue uniquement par les yeux des visiteurs. Il y a besoin d’un organe de régulation et de répartition différente des témoignages afin d’éviter la surmédiatisation de certains acteurs.
Pour cela, il est important que les offices de tourisme aient un rôle de répartition des flux sur le territoire dans le temps, dans l’espace et auprès d’un certain nombre de prestataires.
Cependant, il est important d’avoir un cadre car il y a une part de subjectivité dans les avis. Nous avons besoin de ce cadre minimum. Les avis viennent en complément de la vision des opérateurs qui commercialisent. A nous d’être dans une logique différente que celle que nous avions depuis très longtemps. Il fallait être très neutre et ne rien dire. De nos jours, il faut aller plus loin et s’investir. Nous avons une démarche d’implication et de séduction. Cela ne va pas nuire aux acteurs, bien au contraire mettre en avant les spécificités, un service reconnu de qualité…