Les investissements du financement participatif : Cyril Tramon, WeShareBonds

Cyril Tramon, Directeur Général, WeShareBonds

Pouvez-vous présenter WeShareBonds ?

C’est une plateforme de crédits :  nous avons en effet la possibilité depuis 2014, grâce à la loi Macron, de pouvoir prêter sans passer par les banques. Les plateformes de crédits ont des accréditations de l’AMF ou de l’ACPR. Chacune de ces deux autorités nous donnent un agrément, ce qui nous permet de prêter directement à des clients privés, c’est ce qu’on a appelé la fin du monopole bancaire. Cela a été réalisé parce que certaines entreprises avaient des difficultés d’accès au crédit. Grâce à un système comme le nôtre, elles peuvent trouver de l’argent qu’on ne leur aurait pas prêté, trouver de l’argent plus vite ou trouver de l’argent sans garanties particulières. La contrepartie est que cet argent coûte cher, nous pratiquons des taux d’intérêt qui, selon la durée du crédit, vont de 2,5 à 8 %. Il faut donc avoir une bonne raison pour se présenter sur ce type de plateforme car si les banques vous font confiance, il n’y a aucun intérêt à venir. 

Notre sélection est forte, nous faisons du complément aux services bancaires, mais pas de manière très étendue, tout simplement parce que les gens qui prêtent de l’argent ne veulent pas le perdre ! Les plus gros prêteurs sur les projets sont les propriétaires de la plateforme. Nous invitons les particuliers et d’autres investisseurs à investir sur des projets que nous sélectionnons, qui répondent aux convictions qui sont les nôtres. Nous leur communiquons l’intégralité des éléments qui nous ont permis de dire oui. Ils peuvent alors eux-mêmes utiliser leurs facultés de jugement pour savoir s’ils nous accompagnent ou pas. Ce service est gratuit pour eux.

Quels sont les critères qui vous font accompagner une société plutôt qu’une autre ?

Il y a des critères purement objectifs, nous traitons beaucoup de volumes. Nous avons par exemple décidé qu’une PME devait avoir au moins 1 million d’euros de chiffres d’affaires, qu’elle devait être profitable et nous demandons une note Banque de France de minimum 5 qui signifie qu’elle a une chance sur dix de rencontrer des difficultés dans les 3 ans. Nous sommes plus ouverts qu’une banque sur ce sujet. Comme dans tous les métiers de l’investissement, nous faisons un travail d’analyse sur le gérant, sur le marché, sur les concurrents et si nous sommes convaincus que c’est la bonne entreprise et la bonne personne au bon moment, on y va ! Cela dure alors 8 à 10 jours, c’est rapide. Ensuite, nous passons sur la partie médiatique et commence alors un autre travail qui s’inscrit dans le temps. Tout est en ligne mais a été préalablement vérifié. 

Quelles sont les modalités de votre collaboration avec les PME ? Est-ce qu’une fois que le projet est financé, c’est terminé ou est-ce que vous mettez en place un accompagnement ?

Nous avons une approche très différente du monde du private equity. Nous ne sommes pas du tout dans un suivi mensuel, trimestriel avec des reporting, etc. Nous avons choisi un niveau intermédiaire. Nous les voyons une fois par an et avons un suivi implicite puisqu’il faut payer tous les mois. Nous fonctionnons donc “au bruit”. Tant que l’argent arrive, tout va bien, quand il y a un défaut de paiement, nous avons un mois pour régler le problème. Ce n’est pas vraiment du conseil, c’est du suivi. Notre marge de manœuvre n’est pas énorme. Nous publions aussi un reporting tous les six mois pour nos investisseurs. À tout moment, les gens peuvent accéder à leur espace client et avoir accès à toutes les données. 

Quel est le fonctionnement de votre sourcing ? Est-ce que les entreprises viennent à vous ou allez-vous les chercher ?

C’est la principale difficulté de notre industrie. Toutes les plateformes ont un problème de notoriété et nous nous battons tous pour nous faire connaître et faire venir les bons dossiers, c’est-à-dire les bons parmi ceux qui ne sont pas accompagnés par les banques. Notre positionnement est de travailler avec des intermédiaires car c’est beaucoup trop cher de faire du direct. Nous avons une équipe de trois commerciaux et une équipe web. Nous travaillons avec des courtiers de crédit, des commissaires au compte, des banquiers et du côté digital nous travaillons sur les réseaux sociaux. Les contacts les plus intéressants viennent de ces intermédiaires.

Avez-vous des industries spécifiques dans lesquelles vous intervenez ?

Non, car comme nous avons choisi les PME, d’une certaine façon, elles ont choisi pour nous. Quand vous regardez comment les PME françaises sont structurées, la majorité font du commerce, d’autres du  BTP,  de l’industrie ou encore du service pour les entreprises donc c’est déjà très segmenté. Ce qui fera la différence entre elles, ce seront leurs clients. Nous savons que ça n’a pas beaucoup de sens dans ce cas de cibler par secteur. Au niveau des industries et des activités, nous n’avons pas de cibles particulières. L’historique de notre équipe fait que nous connaissons certains sujets mieux que d’autres. 

Sur le sujet hôtellerie, voyez-vous des particularités par rapport à d’autres secteurs ou est-ce la même chose pour vous ?

C’est un secteur qui ne fonctionne pas de façon “lambda”. La France est un pays expert au niveau de l’hôtellerie, il y a beaucoup de franchises qui sont nées ici. Le fait qu’on connaisse bien la chaîne de distribution, le fonctionnement de ces franchises, les réseaux connexes, etc, aide à bien parler à nos interlocuteurs. Cela reste dans l’ensemble des métiers complexes car les marges ne sont pas si importantes. Bien connaître cet écosystème est très utile pour nous. Ce n’est pas un secteur facile mais nous avons une appétence naturelle pour lui. Pour autant, nous n’avons pas fait tant de financement que cela sur les 50 dossiers. Nous n’en avons pas fait un axe de développement particulier, notamment parce que sur la partie structure, ils sont habitués aux prêts bancaires longs à taux très faibles, ce qui est le contraire de ce que nous faisons !

Travaillez-vous aussi sur la partie crowdfunding ?

Non, nous avons fait dès le départ le choix de faire du capitalisme pur et dur. À partir de là, nous ne jouons pas sur le pathos. Je trouve ce qu’ils font très bien mais cela ne me correspond pas. La façon dont nous exprimons notre implication dans “la cité” c’est en choisissant des entrepreneurs avec des valeurs dans lesquelles nous nous retrouvons. Nous finançons des familles et des personnes qui portent des valeurs économiques que nous soutenons.