Michel Dieleman, Président de l’AFTM
En 2012, l’AFTM avait sorti un livre blanc qui mettait en évidence les convergences entre MICE et travel management. Vous sortez en septembre, pour l’IFTM, un nouveau livre blanc sur le sujet. Est-ce un besoin exprimé par les adhérents ou une volonté de l’AFTM de s’ouvrir à de nouvelles typologies d’acteurs ?
Nous avons en effet eu beaucoup de demandes en ce sens. Elles émanaient de nos adhérents mais aussi des organes décisionnaires des entreprises, sans omettre celles des fournisseurs. Après l’édition de notre livre blanc de 2012, nous avons été très sollicités pour être plus présents dans le MICE. Le travail de fond de l’association auprès de ses adhérents et de l’industrie du voyage d’affaires et la densité des projets que nous avions à mener ne nous l’ont pas permis. Nous ne voulions nous lancer dans une démarche pour laquelle nous n’aurions pas été totalement investis. Nous sommes maintenant en capacité de nous impliquer beaucoup plus dans le MICE et nous allons nous donner les moyens de bien faire. Avec ce livre blanc, nous répondons donc à un besoin marché et à un besoin interlocuteur entreprise.
La convergence entre les différents acteurs du travel et du MICE, expliquée dans le livre blanc, vous semble-t-elle aujourd’hui plus forte ou reste-t-elle encore minoritaire ?
Elle n’est pas encore prédominante mais elle est de plus en plus demandée par les entreprises des secteurs privés ou publics. Bien que la plupart des entreprises pensent contrôler leurs dépenses, la majorité d’entres elles ne disposent pas d’outils de mesure pour le faire fiablement. On en parle depuis cinq ans, c’est un fait, les entreprises ont besoin de nouveaux modèles d’organisation. Il y a en effet du sens à écrire des passerelles entre des activités jusqu’à maintenant gérées en silo, comme la gestion du parc automobile, la restauration d’affaires, l’intermodalité, la gestion de l’événementiel, etc. Je pense que l’émergence du mobility management va contribuer à améliorer cette gestion et colle parfaitement à ce projet de voir le MICE beaucoup plus prégnant au sein de l’AFTM.
Quels sont aujourd’hui les freins à cette convergence entre le MICE et le travel ?
Il y a plusieurs freins. Les premiers sont les mêmes que ceux nous avons rencontrés dans le domaine du travel management lorsque l’on a voulu commencer à organiser les choses. Nous touchions au pré carré de personnes qui avaient en charge ces activités, il fallait faire bouger les lignes. Ce n’est jamais facile socialement. Le deuxième frein est la résistance au changement, elle existe toujours. Quel que soit le domaine et le niveau de changement souhaité, on rencontre toujours une résistance. Les habitudes ont la vie dure ! Le troisième frein est que l’événementiel est un marché large que se partagent différents types d’acteurs, internes ou externes aux entreprises. Là encore, chacun protège son territoire. Il y a une multitude d’agences et d’acteurs dans l’événementiel, cela accroît la difficulté, spécifiquement pour les travel managers qui sont appelés à gérer le MICE. Je pense qu’il y a un manque de formation et comme on l’a fait pour le travel, il va falloir apporter des formations et plus d’expertise aux personnes concernées. Il ne s’agit pas néanmoins de dire que les travel managers vont bouleverser le secteur. Ils vont apprendre à s’y intégrer et en lien étroit avec les équipes, tout le monde pourra monter en compétences.
Les entreprises manquent parfois d’organisation sur le MICE. Si cette convergence s’opère réellement, quelles conséquences cela va-t-il avoir sur l’organisation des entreprises et le travail des travel managers ?
Les entreprises et plus particulièrement les grands groupes? voient de plus en plus la nécessité de traiter le MICE comme une stratégie qui entre à part entière dans la mobilité et dont elles doivent assurer le suivi et l’évaluation. Le secteur voit apparaître de nouveaux métiers pour piloter la stratégie MICE de l’entreprise en interne. La fonction d’acheteur MICE est par exemple de plus en plus associée à celle de travel manager. L’acheteur MICE a pour mission de gérer l’ensemble de l’activité voyage et déplacement de son entreprise avec un volet accentué sur l’événementiel. On ne peut pas éluder que lorsqu’il s’agit de réduire les budgets, les efforts sont demandés sur la logistique plutôt qu’à l’agence de communication qui gère le contenu. C’est donc à la personne qui gère cette logistique de s’adapter et de réduire ses budgets. Elle aura alors besoin d’outils. Le travel manager va s’engager beaucoup plus facilement sur ce premier point mais sur le contenu, il devra travailler avec des acteurs spécifiques et des professionnels experts du sujet traité. Les fonctions qui vont revenir à l’acheteur MICE sont donc plus celles d’un chef de projet. Je voudrais montrer que le travel manager qui arrive dans le MICE n’est pas là pour perturber ce qui existe, il doit être un pilote qui fera le lien entre les différents acteurs du projet global pour arriver à une meilleure organisation de l’ensemble des déplacements professionnels et MICE.
L’offre des fournisseurs est-elle aujourd’hui pertinente par rapport à ces besoins individuels et groupes ?
L’offre est immense, ce n’est pas une découverte. Les nouveaux entrants font bouger les lignes, ce qui est une bonne chose. Ils bousculent les grosses agences présentes. De plus, l’offre est très variée et les entreprises devront faire les meilleurs choix en fonction de leurs besoins spécifiques. Ces choix sont engageants pour l’avenir d’une entreprise, ils ne sont pas faciles. C’est l’enjeu dont devront s’emparer ceux qui ont en charge le MICE.
La convergence semble donc pertinente. Mais alors, consolidation auprès d’un seul fournisseur Travel et MICE ou dissociation des achats ?
Il ne peut y avoir de réponse tranchée à cette question, cela dépend tellement de la taille de l’entreprise ! Un grand groupe, CAC 40, SBF 120, a des besoins beaucoup plus variés et nombreux qu’une PME-PMI. Je ne connais pas l’agence qui pourrait répondre à toute la demande MICE de ces différentes typologies d’entreprises. Même au niveau de l’organisation du travel, il y a tellement de variantes que cela semble illusoire. C’est en fonction de la culture de l’entreprise et des budgets que l’on va pouvoir faire les meilleurs choix. Il est important d’élargir le cercle, de mettre tous les acteurs autour de la table et de réfléchir ensemble. C’est du bon sens mais il n’y a que comme cela que l’on peut prendre les bonnes décisions. Nous sommes dans un secteur qui évolue énormément, il faut toujours être en veille et réfléchir ensemble.
Est-ce que vous ressentez que vous pourriez aller chercher une nouvelle cible d’adhérents spécialisés dans la gestion du MICE ?
Nous sommes l’Association Française du Travel Management donc on ne s’adresse pas qu’aux travels managers ! Nous nous adressons à l’ensemble des acteurs du mobility management dont les personnes en charge du MICE au sein des entreprises ! Ce n’est donc pas une nouvelle cible.
Vous-même, l’AFTM, vous utilisez beaucoup l’événementiel. Vous pouvez nous en dire plus?
Comme cet entretien le démontre, l’AFTM touche de près l’organisation de l’événementiel. Elle organise plus de 60 événements annuels. J’ai fait récemment le calcul, nous sommes à plus de 500 événements depuis qu’on a créé l’association. Sans parler de notre soirée annuelle qui réunit 800 personnes donc effectivement, l’événementiel a beaucoup d’importance pour donner de la visibilité et de la crédibilité à notre association ! Les événements permettent aussi de créer du lien entre les travel managers et au sein même d’une entreprise. C’est aussi pour cela que c’est si présent dans notre secteur. Il est temps que les entreprises maîtrisent mieux ce domaine.
Conférences, débats, networking, workshop, l’événementiel est au cœur de notre secteur. Les travel managers ne sont pas sursollicités ?
Je crains de contribuer à cette forte sollicitation donc je ne peux qu’être d’accord avec la remarque ! Je pense en revanche que c’est au travel manager de faire des choix et de ne pas aller à tout. Il faut se polariser sur les sujets du moment et se laisser le temps de faire son travail correctement en interne. L’offre d’événements est large, à chacun d’aller y chercher ce qui est nécessaire. Il faut avoir conscience que le spectre de responsabilités d’un travel manager est très large. Cela peut aussi être une difficulté car il doit prendre suffisamment de recul pour bien gérer ses tâches. Les sujets sont riches !
Verra-t-on prochainement plus d’événements et de sujets liés au MICE à l’AFTM ?
Bien sûr ! Nous allons nous y atteler. Nous sommes prêts et ne nous engageons pas à moitié donc forcément, il y aura plus d’événements liés au MICE.