Sophy Fayaud, Directrice, Extra-aéronautique – Expérience clients – Innovation, Exploitation aéroportuaire, Egis
A propos d’Egis
Acteur international de l’ingénierie de la construction et des services à la mobilité, Egis propose une offre globale unique, alliant conseil, ingénierie et exploitation d’infrastructures. La structure répond aux à des défis actuels en proposant des solutions et un savoir-faire reconnu dans les transports et la mobilité, la ville durable, les bâtiments, l’eau, l’environnement et l’énergie. Filiale à 75 % de la Caisse des Dépôts et à 25 % par des cadres partenaires et des salariés, Egis imagine un futur durable au service des populations et du progrès social.
Vous avez une grande expérience dans l’aérien et notamment au niveau aéroportuaire : pour vous, qu’est l’accueil au sein d’un aéroport ?
Au premier abord, dans l’accueil il y a tous les aspects liés à la courtoisie mais je pense que pour le client, il s’agit également d’avoir un parcours qui soit fluide, facile et pour lequel il ne ressent pas de stress. Le client de départ va être plus angoissé. À l’arrivée, le stress sera celui d’avoir les bagages qu’il a enregistrés et de trouver facilement le lieu où les récupérer. Nous devons rendre le parcours du passager le plus fluide possible, avec des facilités d’orientation, d’informations et éventuellement de rencontres humaines à sa disposition pour répondre à ses besoins et, tout cela, couplé dans certains cas au problème de la langue. Dans un aéroport, au travers de son parcours, le client rencontre des interlocuteurs appartenant à diverses entités, commerciales, administratives…qui ont, chacune, leurs propres objectifs. Il faut donc que tout le monde soit orienté vers le client et sache l’accueillir. Si en plus, nous sommes face à un client à l’import, ce qui est aussi important pour l’aéroport c’est d’avoir ce qu’on appelle chez nous le sens of place c’est à dire qu’il faut intégrer dans l’aéroport des éléments conformes à l’ADN du territoire où il est implanté.
Est-ce que l’accueil doit être le même pour un voyageur d’affaires ou un voyageur de loisirs ?
Les aéroports travaillent à partir des persona. Cela permet d’avoir des profils, des typologies de clients et de s’assurer que nous offrons bien les services qui correspondent à leurs attentes. Le voyageur d’affaires va chercher un parcours et des services assez rapides. Le passager loisirs, lui, a envie d’être sécurisé, de prendre son temps, d’avoir une offre dans les commerces qui soit large. Aujourd’hui, nous savons très bien que dans les aéroports, le minimum que nous devons gérer et maîtriser est la diminution les files d’attente. Nous travaillons beaucoup aussi avec la police de l’air et des frontières pour que l’accueil existe, même lors d’un contrôle de papier. Les autres critères concernent la connectivité. Aujourd’hui, s’il n’y a pas un Wifi gratuit dans l’aéroport, cela peut vite devenir irritant pour le client, d’autant plus pour un client étranger à qui cela va coûter très cher. C’est un facteur de stress aggravant.
Est-ce qu’au delà de travailler sur l’accueil, faut-il aussi travailler aussi sur la gestion des émotion des clients ?
Tout à fait. Depuis les années 2000, la commission qualité des aéroports francophones a travaillé autour de la satisfaction du client, de son parcours et de ses attentes à chaque moment de son parcours. Cela a été fait avec l’aéroport, le gestionnaire mais aussi avec toutes les parties prenantes (les loueurs, les commerces, la police, la sûreté, etc.). Depuis quelques années, les aéroports travaillent plutôt autour de l’expérience client qui est effectivement la couche supérieure de la qualité de service et qui vient toucher l’émotionnel. Nous savons très bien qu’aujourd’hui nous sommes dans une économie qui est beaucoup axée sur ce côté émotionnel et partage sur les réseaux. Les aéroports sont donc très attentionnés sur ce point et font en sorte de donner une expérience client positive. Certains aéroports sont des références en expérience client parce qu’ils ont créé beaucoup d’événements, par exemple à Singapour vous avez une serre aux papillons, un centre commercial, un toboggan !
Comment les aéroports travaillent-ils pour transformer ces lieux ?
Souvent ils travaillent soit avec des architectes soit avec des sociétés qui oscillent entre l’architecture, le design et le marketing. Les aéroports peuvent aller chercher des sociétés qui vont aussi faire des enquêtes sur le territoire et avoir un rôle de conseil. Comme un aéroport participe au développement touristique et économique de son territoire, il est important que cela se reflète aussi au sein de la structure.
En quoi les technologies contribuent-elle à cet accueil ?
Les aéroports peuvent utiliser leur site internet et des applications pour promouvoir leurs services. Aujourd’hui, les technologies permettent de vous enregistrer chez vous et de réserver votre place de parking en avance. La sécurité est améliorée et le client gagne du temps.. Elles permettent aussi de pouvoir avoir des informations en temps réel, de mieux maîtriser son temps et d’être rassuré. En termes d’information client, il y a des dispositifs d’information classique avec les panneaux mais nous utilisons aussi le téléaffichage. Les nouvelles technologies permettent finalement de mieux maîtriser ou d’accélérer tous ces process pour pouvoir bénéficier par la suite de plus de temps dans la zone d’embarquement. Grâce à elles, nous sommes mieux connectés avec le client afin de pouvoir le guider sans l’importuner, le rassurer mais aussi pouvoir mettre en avant des produits ou des services qui sont dans l’aéroport et sur le territoire. L’aéroport est aujourd’hui un lieu de vie.
Quelle est la complémentarité entre les acteurs privés et les acteurs publics pour réussir cela ?
Cette complémentarité est essentielle. Je crois que l’aéroport est une des entreprises dans le monde du tourisme qui travaille avec l’ensemble des acteurs du secteur : nous travaillons finalement avec les compagnies aériennes mais aussi en concertation avec les acteurs institutionnels du territoire et les acteurs privés. L’aéroport peut avoir un rôle fédérateur. Par exemple, l’aéroport accompagne le développement des compagnies aériennes et des tours opérateurs. L’aéroport est un maillon central. Je m’occupe particulièrement chez Egis des aéroports de Chypre. Typiquement, Chypre est une destination touristique et il y a un lien très fort entre l’aéroport, l’organisme qui fait la promotion du tourisme de Chypre (CTO), le gouvernement et l’état car le tourisme est essentiel pour le développement et la richesse économique de l’île.
Les agences de voyages communiquent-elles correctement auprès de leurs clients sur les services apportés par les aéroports?
En général les aéroports ont tissé des relations assez étroites avec le réseau des agences de voyages. Celles-ci sont donc informées des nouveaux services, animations, lignes, tours opérateurs ou compagnies aériennes qui s’implantent.
Comment le financement des dispositifs orientés clients, personnalisation, gestion des flux, accueil est-il géré en général dans les aéroports?
La société qui gère l’aéroport finance les actions qui sont menées sur l’accueil, la fluidité, l’expérience client, etc. Quand nous sommes sur des promotions de territoire plus globale qui viennent s’additionner à des ouvertures ou au développement de routes aériennes, tout le monde va contribuer ou peut-être mutualiser les budgets. Nous aurons quelque chose de plus global et pas uniquement porté uniquement par les budgets de l’aéroport.
De votre point de vue, que manque-t-il pour avoir une expérience client optimale dans les aéroports ?
Aujourd’hui, je pense que ce qui a manqué et ce qui manque encore dans les aéroports, c’est la connaissance et le lien avec le client. Nous sommes une des rares entreprises à ne pas connaître chacun de nos clients dès lors qu’ils ne rentrent pas en interaction avec l’aéroport pour des services qui sont gérés complètement par l’aéroport comme par exemple les parkings. Le client passe bien chez nous mais nous ne savons pas qui il est. Sans cette information, il est très difficile de pouvoir entrer en contact avec lui pour pouvoir agir plus et mieux l’informer. D’où l’importance aujourd’hui des nouvelles technologies et de tout ce qui est faisable pour être un peu plus en interaction avec lui sans qu’il ne soit pourtant forcément dans le fichier client. Quand ce sont des clients réguliers, nous pouvons créer, par un certain nombre d’actions ou d’animations des bases de données clients sur lesquelles nous pouvons nous baser pour communiquer. Certains aéroports ont des programmes de fidélisation mais pour un client qui va ne passer qu’une fois chez vous, il faut que le standard soit élevé. Il doit être satisfait sur le process, sur l’accueil et sur l’ambiance que reflète l’aéroport.
A noter également, que des collaborateurs qui sont bien dans leur entreprise seront plus à même de délivrer un bel accueil et inversement. Les politiques RH, marques employeur jouent un rôle non négligeable sur le sujet.
Est-ce que ce besoin devient de plus en plus pressant avec les nouvelles générations et les millenials qui ont peut-être des attentes plus fortes sur le sujet ?
Je pense qu’il y a effectivement plus d’attente sur l’interaction, l’information, la maîtrise du temps. C’est plus flagrant sur les nouvelles générations qui sont très connectées, exigeantes et qui vont contribuer à la e-réputation, ce qui est est très important pour les aéroports Mais cela nous oblige à notre tour à relever notre niveau d’exigence. Cela marque aussi une évolution: il y a quelques années les aéroports mesuraient la satisfaction du client au travers d’enquêtes de satisfaction, au travers parfois de passagers-mystère, de contrôles de standard. Aujourd’hui nous sommes beaucoup plus rentrés dans l’émotionnel, dans un domaine où la vie va être partagée. Il faut aussi aller voir la note que nous avons sur Google, ce qui est dit dans les espaces qui concernent l’aéroport, sur les réseaux sociaux, sur les sites spécialisés qui parlent d’aviation, de compagnie aérienne, etc. Nous ne sommes plus dans la globalité d’un taux de satisfaction.