Développement et accélération du tourisme social et solidaire

Simon THIROT

Poste : Délégué général, UNAT

Pouvez-vous nous rappeler les missions principales de l’UNAT ?

L’UNAT, Union Nationale des Associations de Tourisme et de Plein air, est aujourd’hui une association regroupant tous les acteurs du tourisme et des vacances qui opèrent dans le champ de l’économie sociale et solidaire. Ce sont à la fois des acteurs à but non lucratif tels que des associations, des sociétés détenues par des associations, ou encore des sociétés coopératives, et des acteurs touristiques à part entière, tels que des villages clubs de vacances, résidences de tourisme, hôtels, campings, ou auberges de jeunesse. On y retrouve également des organisateurs de colonies de vacances et des centres de vacances. Nos adhérents ont un engagement spécifique dans le droit aux vacances pour tous, et pour l’accès au plus grand nombre à leurs établissements. Aujourd’hui le tourisme social et solidaire représente environ 1600 établissements sur la France accueillant près 5 millions de vacanciers, pour 20 millions de nuitées, ce qui représente un CA de 1,2 milliard d’euros. L’UNAT c’est aussi une “vieille dame” dans le tourisme puisqu’elle a été fondée en 1920 par l’Automobile Club, le Touring Club de France et le club Alpin avec pour objectif dans les années 20 et suivantes de permettre le développement de l’automobile et du tourisme, et de toutes les règles liées à la sécurité routière et au permis de conduire. Cette mission a perduré jusqu’aux années 60. Puis dans les années 60, à la création du service national du permis de conduire, l’UNAT s’est recentrée autour des départs en vacances des Français avec ce qu’on appelait à l’époque, le tourisme familial ou associatif.

 

Comment s’assurer que ces 1600 établissements mettent bien en place des actions de tourisme social et solidaire ?

Adhérer à l’UNAT et choisir de rejoindre ce réseau, ce n’est pas anodin. C’est se reconnaître dans les valeurs et l’engagement de notre réseau autour du tourisme social et solidaire, et c’est aussi vouloir s’engager sur ces problématiques avec d’autres. Pour pouvoir adhérer à l’UNAT, il faut opérer dans l’économie sociale et solidaire d’une part, et être géré par des organismes à but non lucratif d’autre part, ce qui témoigne d’un double engagement fort. Rappelons que, si comme toute structure, une association doit être rentable pour ne pas faire faillite, la gestion sur modèle associatif a pour particularité de réinjecter les excédents au service de la structure elle-même, et du projet qu’elle défend. Cela peut prendre des formes variables comme de l’investissement dans le patrimoine, de la rénovation des établissements, du financement de politiques tarifaires adaptées à toutes les bourses et aux programmes sociaux, ou encore des actions proactives en matière de développement durable. Lorsqu’on fait le choix d’être sur un modèle de gestion associative, on a des exigences pour son activité avec la volonté d’engendrer un impact positif.

 

Aujourd’hui, comment arrivez-vous à observer l’évolution des pratiques des touristes ?

Les adhérents de notre réseau opèrent dans différents secteurs du tourisme qui se portent bien, et qui sont même devenus attractifs. Si l’on prend l’exemple du secteur des auberges de jeunesse qui a été historiquement porté par des associations et par le tourisme social en général, il est révélateur de voir aujourd’hui que de grands groupes hôteliers s’y intéressent et développent à leur tour des concepts basés sur les modèles “hostel”. Et puis il y a tout ce qui touche au développement durable, à la RSE, aux engagements sociaux et sociétaux pris aujourd’hui par les entreprises en général, et qui devient maintenant totalement incontournable pour les acteurs du tourisme. Ces problématiques sont vraiment au cœur de la démarche de tourisme social depuis longtemps, et cela fait profondément partie de son ADN. On a souvent eu l’impression que le tourisme social était un peu à part. On peut dire finalement que les acteurs du tourisme social ont été précurseurs dans un certain nombre de domaines.

 

Aujourd’hui existe-t-il une réglementation pour pouvoir inciter les entreprises à mettre en place cette notion de tourisme social et solidaire ?

Cela relève avant tout du choix des entreprises dans la manière de conduire leur politique RSE, comme c’est le cas également en matière de développement durable. À ce jour, il n’y a pas de règles qui s’imposent à elles. Côté développement durable, on aura prochainement la réglementation du décret tertiaire qui portera sur les hébergements, mais en dehors de cela, il n’y a pas de réglementations spécifiques qui s’y appliquent. À terme, il faudra aussi réfléchir aux impacts sociaux et aux engagements qui peuvent être pris à ce sujet, notamment dans une perspective d’attractivité des branches du tourisme qui est un sujet éminemment important.

 

Du côté voyageur, est-ce qu’il existe des dispositifs qui permettent d’accéder à ces offres ?

Sur le site de l’UNAT, nous répertorions nos adhérents et il est assez facile pour le voyageur d’identifier les structures touristiques qui œuvrent dans le champ de l’économie sociale et solidaire. Je pense que le voyageur doit être justement attentif à ces engagements que la plupart des opérateurs mettent désormais en avant. Il faut essayer en tant que consommateur avisé d’y porter attention. Ensuite il y a un certain nombre de labels comme par exemple celui de l’ATES (Association pour un Tourisme Équitable et Solidaire), qui vise à labelliser les structures qui sont dans le champ du commerce équitable, où l’on est certain d’avoir un engagement sociétal extrêmement fort.

 

Dans notre imaginaire, peut-on considérer que le tourisme social et solidaire est synonyme d’une offre de masse ou plutôt d’un service moins abouti ?

Non, on ne le peut franchement pas : ce sont des généralités qui ne correspondent pas à la réalité. Ce n’est pas parce que l’on souhaite accueillir le plus grand nombre possible en termes de mixité, que l’on fait nécessairement du tourisme de masse. Il ne faut vraiment pas associer l’un avec l’autre et ni même opposer l’un à l’autre. Parmi nos adhérents, nous en avons d’ailleurs qui ont très fortement évolué dans leur modèle et dans leurs offres et qui s’adaptent extrêmement rapidement aux évolutions et aux attentes des clientèles, comme c’est le cas pour les villages clubs de vacances. Le temps où l’on était dans une convivialité imposée est complètement révolu. Aujourd’hui, le modèle du village club a beaucoup évolué et l’on est très loin des images d’Épinal qui sont désormais dépassées.

 

Aujourd’hui mettez-vous en place des enquêtes pour pouvoir mesurer cet accès aux vacances ?

Nous sommes en effet très attentifs à cette question des départs et surtout du “non départ”. Nous avions mené une enquête avec l’IFOP et la fondation Jean Jaurès en 2019 que nous avons renouvelée cette année, et qui montre que 37% des Français avaient renoncé à partir en vacances cet été, ce qui est parfaitement colossal. Assez régulièrement, plus d’un Français sur deux renonce à partir pour des raisons financières. Nous menons ce travail aussi avec l’Alliance France Tourisme cette année, pour essayer d’observer les raisons de ce renoncement aux vacances.

 

Aujourd’hui face à l’émergence du tourisme de proximité, peut-on considérer que renoncer aux vacances est un choix délibéré ou subi ?

Non, malheureusement, le fait de ne pas pouvoir partir de chez soi est toujours subi. C’est rarement un choix que l’on fait volontairement, mais plutôt qui s’impose. Les raisons principales sont bien sûr des raisons financières par le manque de moyens, mais aussi des raisons culturelles. On n’est jamais parti et l’on se dit que partir, ce n’est pas pour soi, ce qui est aussi une forme de renoncement subi. Il y a, c’est certain, dans l’offre touristique de proximité, une possibilité de réponse à ces renoncements parce qu’on a la chance d’avoir en France, une offre touristique dans toutes les régions, qui est très diverse et extrêmement riche. Il faut capitaliser sur cette offre pour proposer des séjours ou de courts séjours à proximité qui facilitent le départ et la possibilité de partir. Nous observons par exemple que dans le Sud-Est et le Sud-Ouest de la France, il y a un petit peu moins de renoncement aux départs aux vacances. Peut-être en partie, parce que ce sont des régions qui ont une offre touristique et de loisir très vaste, avec notamment des possibilités de sortie à la journée plus développées. Il y a donc certainement dans l’offre de proximité, une piste à creuser en lien avec les acteurs du tourisme institutionnels tels que CRT, région, département, ADT, Offices de tourisme, etc.

 

Pour conclure, on comprend bien l’aspect durable dans sa dimension sociale. Mettez vous en place des actions autour des notions environnementales ?

À l’UNAT, dans le réseau, nous encourageons nos adhérents à avoir une démarche la plus exemplaire possible en matière de développement durable. Beaucoup de nos adhérents menaient des actions depuis longtemps, mais qui n’avaient jamais complètement formalisées. Dans un premier temps, c’est déjà pour eux l’occasion d’écrire une feuille de route sur les actions menées et à mener pour pouvoir ensuite faciliter leur suivi et leur mise en place. Nous encourageons énormément par exemple la mise en place du décret tertiaire pour la réduction en matière de consommation d’énergie dans les bâtiments touristiques. Et comme dans l’hôtellerie de plein air, c’est un très gros travail qui doit être encore entrepris en matière de gestion des déchets, de gestion des ressources comme notamment, celle de l’eau. Il y a des chantiers colossaux qui doivent être menés en concertation avec d’autres car le réseau de l’UNAT ne peut évidemment pas avancer seul sur ces questions, mais plutôt en concertation et en collaboration avec l’hôtellerie de plein-air, l’hôtellerie plus classique, les résidences de tourisme et autres. Nous sommes tous d’ores et déjà confrontés à ces problématiques.