Représenter l’intelligence territoriale en valorisant l’identité du territoire

Olivier Occelli

Poste : Bordeaux Tourisme et Congrès Directeur général

Pouvez-vous présenter, ainsi que votre parcours et vos missions au sein de Bordeaux Tourisme et Congrès ?

J’ai commencé ma carrière à l’office de tourisme de Corée du Sud à Paris, où j’étais responsable des relations publiques, en lien avec les journalistes et les agences notamment. Ensuite, j’ai travaillé à l’office de tourisme de Chypre en tant que responsable marketing. Mon rôle était de collaborer avec les tour-opérateurs, les compagnies aériennes et les réceptifs afin de développer les programmations à Chypre et de convaincre le public français de découvrir cette destination par des campagnes de communication. Puis, j’ai eu l’opportunité de devenir directeur marketing de l’office de tourisme de Lyon.
De 2008 à 2018, nous avons exploré le concept de marketing territorial, pour mettre en avant les villes secondes qui sont devenues des alternatives aux capitales et qui suscitaient un intérêt grandissant. Des villes comme Bordeaux et Lyon ont émergé de la carte du tourisme urbain. J’ai eu l’occasion de participer à la promotion de Lyon en tant que destination gastronomique mondiale, notamment à travers la marque ONLYLYON. Nous avons mis en place de nouvelles stratégies de marketing territorial, avec de beaux succès à la clé. La marque ONLYLYON est portée par une véritable intelligence territoriale, où différentes entités (office de tourisme, agence de développement économique, métropole, ville) travaillent collectivement pour faire rayonner la ville. Nous avons également collaboré avec d’autres villes européennes, Amsterdam, Stockholm, Oslo, Copenhague, Barcelone via une association qui nous regroupait deux fois par an, ce qui nous a permis d’échanger, de nous enrichir mutuellement, et de mieux adapter nos stratégies aux mutations touristiques.
Après cette expérience enrichissante, j’ai saisi l’opportunité de devenir directeur de l’office de tourisme de Bordeaux. Cela m’a permis d’évoluer dans une destination touristique d’envergure, axée sur le tourisme urbain, qui au final, est devenue ma spécialisation au fil de ma carrière professionnelle.

Vous parlez de tourisme urbain, Bordeaux est-elle associée uniquement à ce positionnement ?

Le tourisme urbain est un terme technique utilisé par les professionnels pour qualifier une typologie de tourisme ; l’urbain est très différent du littoral, de la montagne, de la campagne et chacun, avec ses particularités sera appréhendé différemment en termes d’intelligences des territoires.
La grande spécificité du tourisme urbain réside dans l’équilibre subtile entre tourisme d’affaires et d’agrément ; un équilibre très prégnant pour nous, on ne peut pas travailler l’un sans l’autre, et ce serait une erreur sur des villes ou métropoles à l’échelle de Bordeaux, de se focaliser sur un seul de ces secteurs.
Côté tourisme d’affaires, peu de monde l’appréhende correctement, même s’il est très présent sur les métropoles ; l’approche et le développement de ce tourisme-là est finalement assez technique et demande une connaissance fine de ses mécanismes.
Une troisième typologie de tourisme émerge depuis quelques années ; le tourisme de proximité. Quand nos offices ont pris la compétence métropolitaine, agglomérant plusieurs communes – 28 sur Bordeaux -, il était important de faire rayonner tous les territoires de la métropole, mais pas de la même manière que la ville centre. Une stratégie spécifique a donc été mise en place afin de valoriser la nature, la culture, le patrimoine et l’événementiel de ces villes.
Aujourd’hui, toute notre stratégie est vraiment axée sur ces trois secteurs, chacun avec un budget dédié et une importance identique dans la promotion de la destination.

Comment parvenez vous à fédérer socioprofessionnels et communautés locales autour d’un même projet ?

Chez nous, le collectif est intrinsèque ; en tant qu’office de tourisme associatif, un des collèges de notre conseil d’administration est dédié à nos adhérents professionnels. Des hôteliers, traiteurs, restaurateurs, châteaux viticoles, lieux événementiels, activités touristiques sont au cœur de notre gouvernance. Nous avons animé ces acteurs-là très fortement avant le Covid, mais plus encore pendant et après. Notre conseil d’administration comporte 3 collèges : institutionnels, élus et socioprofessionnels, chacun comptant 14 membres.
En période Covid, notre rôle s’est centré prioritairement sur le soutien de nos adhérents, bien au-delà de ce qui était déjà en place. Ce n’est pas visible du grand public parce que c’est beaucoup de liens humains et de relations internes. Nous avons déployé un nombre important de visioconférences, cafés d’échange, réunions d’information, moments de convivialité, workshops de mises en lien, des newsletters ciblées, etc.
Nous publions depuis une newsletter bimensuelle, très attendue par nos adhérents parce que très riche en information : toutes les tendances et consignes en lien avec l’actualité y sont. On a donc créé un lien très fort avec eux lors du Covid et nous avons souhaité le maintenir. Le collectif et la cohésion sont au rdv : ce n’est pas juste 60 salariés à l’œuvre, mais vraiment 550 adhérents de concert.
Parallèlement nos membres ont aussi entièrement adhéré à notre nouvelle stratégie que nous souhaitions développer autour du tourisme durable. Le changement de municipalité à Bordeaux en 2020 a accéléré ce processus avec l’élaboration d’une feuille de route collaborative, sous la houlette de notre présidente Brigitte Bloch. Le travail collaboratif est à mon sens un des piliers du tourisme durable. Ainsi, en 2020, nous avons créé le site agora-tourisme-bordeaux.com, le fruit d’un an de travail réunissant socioprofessionnels, habitants, institutions, associations, élus, tous regroupés dans des ateliers axés vers les besoins du tourisme d’affaires, d’agrément et proximité afin de faire de Bordeaux une destination reconnue du tourisme responsable.
Enfin, nous avons remporté l’an dernier le prix Smart Tourism de l’Union européenne, notamment grâce à cette gouvernance partagée et cette feuille de route posant les premières bases d’un tourisme responsable et prenant en compte les équilibres d’une métropole comme Bordeaux.

 

Pourquoi ce titre de Smart Tourism avait-il de l’importance dans vos démarches ?

Ce titre est particulièrement intéressant car il est porté par l’Union européenne. Il s’inscrit dans une stratégie européenne pour sensibiliser les destinations au Smart Tourism, donc au développement durable, à la digitalisation, à l’accessibilité et à la mise en avant du patrimoine. Ce prix européen récompense les bonnes pratiques. Il légitime dont plus encore notre action, avec, cerise sur le gâteau, un budget de communication dédié à la valorisation de la destination gagnante. Il montre aussi que nous allons dans le bon sens sur ces stratégies que nous défrichons.
Un autre indicateur est très important à nos yeux : le GDS INDEX, qui existe depuis une dizaine d’années. C’est un observatoire (initiative d’une entreprise privée) du tourisme durable pour les métropoles. Le GDS INDEX comporte plus de 80 critères très complets et pertinents. Ce référentiel nous permet de nous situer par rapport à d’autres destinations, mais surtout de nous améliorer et de rentrer dans une démarche vertueuse sur les pratiques durables. En 4 ans, nous avons atteint le top 5 mondial, en passant devant des villes scandinaves grâce notamment à notre stratégie partagée et l’engagement de nos socioprofessionnels.
Il s’agit d’un ranking in fine, mais qui nous permet de travailler de manière toujours plus collective à l’échelle nationale aussi. De nombreux postes de responsable de tourisme durable se sont développés dans nos structures ces dernières années. Ces responsables-là se rencontrent désormais dans le cadre de groupes de travail avec notamment Paris, Lyon, Marseille, Lille, Nice, Bordeaux, Toulouse. Nous travaillons main dans la main pour partager les bonnes pratiques, dans l’optique de faire rayonner la France sur ces sujets novateurs.

 

Retrouve-t-on parmi les villes élues capitales européennes du Smart Tourism, ce travail collaboratif ?

Oui, il y a un vrai travail collaboratif. L’Union européenne a vraiment à cœur de créer un groupe de destinations qui ont gagné ce prix-là, des animations sont mises en place toute l’année en ce sens. Dès qu’une ville gagne – 2 gagnants par an -, elle organise une conférence autour du Smart Tourism et fait intervenir les précédents gagnants pour continuer à partager les bonnes pratiques. Une vraie communauté se crée donc, au-delà du prix européen ; c’est vraiment vertueux.

On a évoqué l’intelligence collective mais qu’en est-il de la gouvernance des destinations ?

Comme je vous l’ai mentionné en début d’échange, nous avons décidé de travailler sur une gouvernance très ouverte car cela permet d’atteindre deux objectifs. Le premier est justement de favoriser cette intelligence collective et donc d’accéder à une multitude d’idées et d’actions que nous n’aurions pas eu seul et le second est celui d’embarquer avec nous toutes les parties prenantes avec une grande facilité. Actuellement, dans le cadre de l’animation de nos membres, nous sommes concentrés sur l’engagement durable, notamment par le biais de labels et certifications.
On sait très bien que le tourisme durable n’est pas un argument de marketing ou de communication en soi : les voyageurs ne choisissent pas leur destination parce que cette dernière prône le tourisme durable. On a très vite acté ce point-là et donc, pour aller tout de même dans ce sens, il fallait que la destination elle-même soit la plus engagée, c’est-à-dire que les visiteurs fassent du tourisme durable presque sans s’en rendre compte.
Lors des ateliers dans la cadre de notre gouvernance participative nos adhérents ont demandé la mise en place d’un guichet unique afin de les accompagner. Nous avons créé dans la foulée un poste d’animation autour de ces certifications de développement durable pour faciliter et encourager les labellisations pertinentes, quel que soit le secteur d’activité. On a donc aujourd’hui une vraie connaissance des labels existants pour y emmener nos adhérents. Notre objectif : 80 % d’adhérents labellisés en 2026. C’est la première action de notre feuille de route et l’une des plus importantes, c’est de ce fait une vraie démarche territoriale partagée.

 

C’est donc bien l’effort et l’engagement collectif qui permet d’aller vers cette dimension-là et le label reste finalement le meilleur moyen pour structurer et reconnaître ces engagements.

Oui tout à fait. Il y a un autre sujet très intéressant en lien avec cette notion de collectif. Notre feuille de route nous amène à nous rapprocher d’associations de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui n’étaient pas dans le scope de notre association. Cela nourrit la dimension de tourisme d’affaires qui est pour nous un pilier important de l’économie touristique locale. De nombreuses entreprises ou organisateurs de congrès souhaitent développer un événementiel durable et sont en recherche de ce type d’acteurs.
Nos équipes dont le cœur de métier est de faire venir des congrès ou des réunions d’entreprises sur le territoire ont désormais une nouvelle corde à leur arc. Non seulement elles travaillent avec le tissu local et les pôles de compétitivité pour attirer ces événements, mais en plus elles ont suivi une formation et se sont structurées pour accompagner les organisateurs afin que leurs congrès ou événements soient les plus responsables. Et notamment en faisant le lien avec ces associations locales de l’ESS et créer un impact positif sur le territoire.
Le tourisme d’affaires a d’ailleurs été le premier segment à s’engager envers un tourisme durable. Les entreprises qui organisent des événements ont pour la plupart des démarches RSE engagées et sont donc attentives à l’empreinte de leurs actions depuis quelques années. Notre rôle est de leur donner de nouvelles idées et opportunités dans ce sens.