Adrien Maltese et Andrea Miglietta reviennent sur les solutions apportées par les start-up

Adrien MALTESE & Andrea MIGLIETTA

Poste : CEO FOUNDER, JANA, incubé au sein de PROVENCE TRAVEL INNOVATION & CEO FOUNDER, OUISPEAK SOLUTIONS, ex-incubé au sein de PROVENCE TRAVEL INNOVATION

Pouvez-vous nous présenter vos parcours et les services que vous proposez ?

Adrien/Jana : Je suis le fondateur de Jana. J’ai travaillé dans l’hôtellerie de luxe pendant dix ans, notamment comme concierge. Je n’ai exercé que dans des palaces, ce qui est un monde un peu à part dans l’industrie hôtelière. J’ai constaté qu’il y avait une distorsion entre les demandes des clients qui étaient de plus en plus digitales et nos capacités à y répondre. Je pense par exemple à un client qui se présentait à l’hôtel et qui demandait systématiquement si on utilisait WhatsApp : la réponse était non. J’ai alors réalisé que cela pouvait nous aider dans notre premier métier de concierge mais que cela pouvait avoir aussi un intérêt transverse afin de remettre le client au cœur du dispositif hôtelier, tout en utilisant des points de contacts digitaux.

Andrea/Ouispeak : Je suis CEO de Ouispeak. Nous proposons un service d’interprètes en vidéo, sur tablette et en direct. Nous travaillons avec de vrais interprètes « humains » et sommes aux points d’entrée et de passage des touristes étrangers venant en France, particulièrement les Chinois et les Russes. Nous sommes donc dans les aéroports, les boutiques, bientôt dans les gares. Nos interprètes, les Ouispeakers, sont les compatriotes des touristes. Ils réalisent le « ping-pong » verbal entre le professionnel français et le touriste, Japonais, Chinois, Russe ou Coréen.

 

Vos solutions semblent toutes les deux basées sur l’accueil. Vous pouvez nous en dire plus ?

Andrea/Ouispeak : C’est une solution basée sur l’humain et le « patriotisme ». En arrivant dans un pays, le fait de parler à une personne dans sa langue – pas à une intelligence artificielle –, cela rassure beaucoup les touristes qui sont dépaysés et ne parlent souvent pas français. Le professionnel français aussi est gagnant. Cela aide énormément à la transaction, le client se sent en confiance et achète beaucoup plus facilement.

Adrien/Jana : Pour moi, l’accueil est le fait que le client ait le sentiment, en arrivant chez nous, dans notre hôtel, qu’il soit un voyageur d’affaires ou un touriste loisirs, de se sentir comme dans sa deuxième maison. Le voyageur ne doit pas ressentir de rupture entre son départ de chez lui et son arrivée dans l’hôtel. Nous voulons l’aider à cela.

 

Constatez-vous des différences entre un accueil pour un client loisirs et un accueil pour un client business ?

Adrien/Jana : Pour nous oui, c’est assez net. Ce ne sont pas du tout les mêmes besoins exprimés. Pour un voyageur d’affaires, il faudra que nous soyons très concis et réactifs. Nous sommes vraiment sur une notion de vitesse qui est indispensable à la bonne réussite de son déplacement professionnel. À l’inverse, pour un voyageur loisirs, il faut que nous prenions notre temps, il voudra être rassuré, écouté. Les échanges sont très différents. Notre rôle est de savoir nous adapter à chaque demande.

Andrea/Ouispeak : Par rapport à la solution que nous proposons, nous avons beaucoup affaire à une clientèle de loisirs. Les voyageurs d’affaires aussi visitent des monuments et font du shopping mais dans une moindre mesure. Dans l’offre de l’application mobile qui répondra au même principe, nous serons davantage dans un service différent qui pourra servir aux deux typologies.

 

Quels sont les enjeux pour vos clients B2B de mettre en place un dispositif qui va favoriser l’accueil ?

Andrea/Ouispeak : Cela passe par la volonté d’augmenter leur chiffre d’affaires. En rassurant le touriste, en parlant dans sa langue avec un compatriote, il sait qu’il pourra se faire comprendre et être compris. Nous sommes sur un taux de 70 % de transformation entre le nombre d’appels et le nombre de ventes. Ce n’est pas négligeable !

Adrien/Jana : Si on se place du point de vue de l’hôtelier qui a payé la solution, cela lui permet de maximiser l’efficience des employés. On peut leur faire gagner trente minutes par jour et par personne. On réduit aussi les points de friction en simplifiant la communication. Cela se répercute sur de nombreux aspects : la e-réputation, l’engagement client, etc. Nous digitalisons tous les services proposés par l’hôtel et le mettons à disposition des clients, sans téléchargement ni création de compte, avec un pilotage automatique financier. C’est très avantageux pour les deux parties.

 

Qui sont vos interlocuteurs chez vos clients ?

Andrea/Ouispeak : Comme nous sommes dans le retail, nous parlons essentiellement avec les directeurs marketing et digitaux. Cela peut aussi être les directeurs de sites.

Adrien/Jana : Nous avons du mal à toucher les décideurs directement. Nous sommes obligés de passer par les prescripteurs, à savoir les chefs concierge ou les chefs de réception. Une fois qu’ils sont convaincus par l’application, ils vont eux-mêmes nous faire entrer en contact avec la direction. Dès que l’on parle avec un groupe hôtelier, nous allons être en contact avec le Directeur des Systèmes d’Information (DSI) qui va vérifier que nous répondons bien à leurs normes et que nous pouvons nous interfacer avec leurs outils. Nous devons obligatoirement être connectés aux PMS des hôtels. Nous devons donc passer par plusieurs strates pour arriver à conclure un deal. Nous développons nos API pour nous connecter aux PMS au fur et à mesure des besoins. Nous passons par un prestataire qui nous connecte puis faisons en interne les développements nécessaires.

 

Comment est gérée votre technologie qui, finalement, est mise au service de l’accueil ?

Andrea/Ouispeak : Comme nous n’avions pas les compétences en interne, nous avions au départ fait appel à une agence de développement. Maintenant, nous avons intégré un développeur dans nos équipes. Notre chief technical officer chapeaute cela. Nous avons trois profils technologiques aujourd’hui au sein de l’entreprise. L’agence était très bien mais il vaut mieux internaliser. La digitalisation nous permet d’avoir un interprète sur place, partout où sont nos clients, c’est vraiment là où se trouve notre valeur ajoutée.

Adrien/Jana : Notre technologie est internalisée à 100 %, nous sommes quatre associés dont 2 développeurs. La technologie nous permet de proposer de nouveaux services qui ne sont pas proposés par les hôteliers, que ce soit les services de messagerie ou l’utilisation du room service digital, ce qui leur permet de faire des ventes additionnelles. En centralisant les demandes des clients, nous simplifions la vie de chacun.

 

Spécialisez-vous votre technologie selon vos différents clients ?

Andrea/Ouispeak : Nous allons même plus loin en personnalisant pour chaque boutique. Elles ont chacune une fiche qui permet au Ouispeaker de vraiment être au courant de ce qui existe et de ce qui doit être mis en avant. Nous avons même mis en place un algorithme qui envoie en priorité l’appel au traducteur qui a déjà le plus travaillé avec la boutique en question et qui donc la connaît de mieux en mieux. Cela permettra d’apporter une réponse de meilleure qualité. Il arrive ainsi que l’interprète puisse répondre même avant de demander au professionnel français.

Adrien/Jana : De notre côté, nous avons une road map technique pour les trois prochaines années et selon les retours de nos utilisateurs, nous faisons évoluer les priorités. Par exemple, nous avons dernièrement développé pour un hôtel à Rotterdam la possibilité d’envoyer automatiquement un texto de bienvenue avec le lien qui envoie directe – ment vers le catalogue de services digitaux. Cela vient de nos clients. Lorsque nous pensons qu’une demande individuelle pour apporter un service en plus intéressera l’ensemble des hôteliers, nous le développons pour tous. Nous faisons aussi beaucoup de développements personnalisés sur devis pour répondre aux besoins spécifiques.

 

Remarquez-vous des spécificités selon les pays ?

Andrea/Ouispeak : C’est un cliché mais c’est vrai. Les touristes asiatiques font souvent un selfie avec le traducteur et le professionnel français. Cela arrive beaucoup moins avec les Russes. Les Russes eux sont très contents de parler leur langue et sont très bavards.

Adrien/Jana : Cela fait seulement trois mois que nous commercialisons. Nous n’avons pas encore assez de recul mais nous savons que l’utilisation que les Américains font des emails, qu’ils utilisent comme des chats, devrait les rendre très friands de notre service. Ils aiment l’instantanéité.

 

Dans votre relation avec vos clients, travaillez-vous avec d’autres partenaires ?

Andrea/Ouispeak : Nous travaillons beaucoup avec des providers chinois qui se déploient dans les boutiques et chez les professionnels du tourisme, comme WeChatPay. Nos deux offres sont très complémentaires. Nous travaillons aussi avec les agences de conseil sur le tourisme international. D’un point de vue territoires, nous travaillons avec le CRT d’Île-de-France qui est notre client, nous sommes en contact avec les CRT d’autres régions et quelques CCI aussi, notamment celle de la Côte d’Azur. Ils poussent notre offre vers des commerçants en leur montrant que cela va leur être utile. Cela permet de se positionner et de répondre à une demande pour laquelle ils n’ont pas toujours un personnel adapté. Notre offre est un support présent à tout moment. On ne remplace pas l’humain, on l’augmente !

Adrien/Jana : Nous avons beaucoup d’interactions possibles avec des partenaires, notamment les prestataires. Nous sommes sur un premier niveau de partenariats mais demain, nous serons dans un schéma de marketplace avec une multitude d’échanges possibles. Nous n’avons pas aujourd’hui de lien avec des partenaires institutionnels mais nous recevons indirectement de l’aide de ces institutions dans le cadre de Provence Travel Innovation dont nous faisons partie. Nous n’excluons pas du tout ce type de partenariats à l’avenir.

 

Quelles sont les prochaines étapes à court, moyen et long terme ?

Andrea/Ouispeak : À court terme, c’est de proposer plus de langues, l’espagnol notamment pour tous les Sud-américains et l’arabe, à la demande des marques de luxe. À moyen terme, c’est l’internationalisation pour pouvoir être dans tous les aéroports du monde et la sortie de l’application mobile.

Adrien/Jana : À court terme, notre ambition est d’avoir trente hôtels différents d’ici juin 2020, nous sommes bien partis pour. À moyen terme, ce serait d’être un leader dans ce milieu-là en France et de commencer à s’internationaliser en Europe. Le marché américain étant très différent, il faudra une approche spécifique. Nous avons aussi un projet technologique fort avec une révolution dans les boîtes mails pour un traitement automatique des mails et que l’humain n’ait plus qu’à vérifier et valider. Au lieu de passer huit heures par jour dans certains métiers pour traiter les demandes envoyées par mail, cela pourra être fait par une intelligence artificielle et permettre à l’humain de se concentrer sur des tâches plus complexes.