Pouvez-vous vous présenter et nous présenter vos activités ?
Je suis Cathy BOU, fondatrice et dirigeante d’AGAPE, bureau technique d’accompagnement aux transitions écologique et sociale.
Agapé connaît quatre significations :
– L’amour inconditionnel en grec
– Le repas communautaire de la religion chrétienne
– La bouche bée en anglais
– L’acronyme : Actions, Gestion, Animation Pour Préserver l’Environnement
Nos activités tournent uniquement autour des enjeux de durabilité et de santé morale, psychique et spirituelle de l’être humain.
Six services : les achats responsables, le hackathon plan d’action RSO, la conformité réglementaire et législative, la mesure d’impact dont le bilan carbone, la reconnaissance au travail et l’accompagnement au changement via entre autres l’obtention des certifications et des labels RSO. Un nouveau service est en cours d’élaboration : « les rouages magiques »
Comment l’évolution de nos intelligences, tant technologiques qu’humaines, peut-elle aider à favoriser un tourisme plus inclusif et accessible à tous ?
Et si nous commencions par modifier les mots pour qu’ils ne soient plus des maux.
Le tourisme n’est plus. Ce mot, emprunté à l’anglais, utilise pour sa propre définition le terme voyage. Qu’il fasse un séjour ou un circuit, qu’il parte en sac à dos ou en formule tout inclus, il est un voyageur. Qu’il vende un circuit ou un séjour, c’est un voyagiste. Alors parlons voyages.
L’inclusivité et l’accessibilité, deux valeurs essentielles pour une nouvelle ère de voyage.
L’évolution de nos intelligences peut aider à favoriser un voyage plus inclusif et accessible de plusieurs façons.
Conscience sociale : Une meilleure compréhension des besoins et des défis de divers groupes de personnes peut aider à créer des offres de tourisme plus inclusives. Cela peut inclure l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, l’accueil des migrants, le respect des différences culturelles, ou le soutien aux communautés locales.
Collaboration : Les plateformes de partage et de collaboration peuvent aider à rendre le voyage plus équitable, plus abordable et plus inclusif. Elles peuvent permettre à chacun de partager ses expériences, ses conseils, voire des logements ou des moyens de transport.
Technologie : La technologie peut le rendre plus accessible que jamais. Des informations en temps réel, des réservations en ligne, des guides audios, des applications de traduction peuvent aider à surmonter les barrières linguistiques, logistiques ou liées à un handicap.
Le voyage ne consiste pas seulement à voir de nouveaux lieux, mais aussi à rencontrer de nouvelles personnes, à découvrir de nouvelles perspectives. En rendant le voyage plus inclusif et accessible, nous enrichissons tous nos voyages.
Le voyage contemporain est plus inclusif et accessible à tous mais ne respecte pas suffisamment l’environnement et les habitants localement. Cela pose le problème de la surconsommation et de la sur fréquentation. Les conséquences sont graves : dénaturation des lieux, détérioration de l’environnement, changement et dérèglement climatiques, et saturation des habitants engendrant de l’insatisfaction de toutes les parties prenantes, insatisfaction des voyageurs : accueil médiocre, infrastructures insuffisantes ; et pour les accueillants un sentiment d’irrespect, de servitude, d’accablement au travail, sans parler de la condition des conseillers en voyages.
De mon point de vue, il s’agit de maintenir un voyage inclusif et accessible, régénérateur : régénérateur de la nature, régénérateur de la rencontre, régénérateur de l’économie locale et régénérateur de la satisfaction tant des voyageurs que des populations locales et des conseillers en voyages.
Pour ce qui concerne les intelligences technologiques, elles ont déjà fait leur preuve et ne sont qu’au service des intelligences humaines. Aussi elles seront ce que l’humain en fera.
Si elle n’est pas liée à nos intelligences, comment caractériser la prise de conscience écologique ?
La science nous alerte. Les crises écologique et sociale sont systémiques : changement climatique, effondrement de la biodiversité, épuisement des ressources, perte de sens au travail, migration, pour ne citer que quelques enjeux. La réponse à apporter ne peut être qu’ambitieuse.
La prise de conscience écologique est une pulsion de survie et de connexion à soi et à l’univers. La biophilie caractérise cet état, cet amour inconditionnel de l’humain pour la nature. A peine vingt minutes de balade en forêt, en campagne, en montagne ou au bord de la mer suffisent à nous déstresser. Magique, non ?
La prise de conscience écologique vient du plus profond de notre être, elle répond à notre besoin de connexion à la nature, de symbiose. Elle passe par une syntonisation personnelle puis collective pour une meilleure connexion à notre nature d’être vivant dans et avec la nature. Nous sommes faits de la même substance que les étoiles, les rochers, les arbres, les océans. En prenant soin de la nature, nous prenons soin de nous-mêmes.
Comment les entreprises du secteur touristique peuvent-elles s’adapter et tirer profit de cette mutation des intelligences pour promouvoir la durabilité ?
Pour s’adapter, les entreprises du secteur du voyage peuvent aussi comprendre et s’inspirer de la nature par le biomimétisme, procédé qui cherche des solutions soutenables et innovantes quel que soit le secteur d’activités.
L’Économie Circulaire, l’Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération (EFC), l’Économie Régénérative et la Perma économie sont des modèles intéressants à étudier pour les appliquer dans les organisations du secteur du voyage.
Le tiers lieu de la Cité Fertile s’est largement inspiré du vivant. Le retour du compost dans nos foyers nous aidera à nous approprier ce que la nature génère ou pas.
Pour tirer profit de cette mutation des intelligences, elles peuvent aussi reconsidérer leur approche actuelle en se détachant du tout business et cultiver leur ADN : l’humanisme.
Voyager peut-être une obligation professionnelle, de survie mais aussi un élan vers soi, un moyen de se reconnecter avec le monde, soi et autrui. C’est souvent un rêve longtemps chéri, un effort budgétaire considérable, un effort d’adaptation et de changement de ses habitudes le temps du circuit/séjour pour le voyageur, il peut être perdu et exigeant. Il a besoin d’être rassuré, écouté, chouchouté et compris dans ses envies.
Vendre un voyage est un acte d’accompagnement, de conseil, d’écoute pour trouver la pépite. Ce que savent très bien faire les conseillers en voyages.
Recevoir un voyageur est un acte d’amour inconditionnel, lui apporter le meilleur service possible, donner le meilleur de soi pour exposer sa culture, ses habitudes, son intimité. Au pic ou en fin de saison, la fatigue, la lassitude peuvent détériorer toutes ces belles intentions et qualités.
Cependant voyager n’est pas forcément professionnel ou de loisir et divertissant. Pour certains voyager est un instinct de survie, fuir la guerre, l’oppression, la menace, le danger, la famine, les chaleurs extrêmes etc. Le voyage n’est pas toujours un voyage de plaisance. Il est diversement apprécié. Pour certains, le voyageur n’est pas le bienvenu, il est porteur de menace, il est un danger pour le confort, la sécurité, les modes de vie et la culture. Le sentiment de rejet développé dans le Monde envers certains voyageurs dits “migrants” est le même sentiment ressenti le plus souvent lorsque le voyageur de plaisance “le touriste” arrive dans les endroits dit exotiques. Tout comme le migrant, le voyageur de plaisance peut également dérégler les écosystèmes, déranger l’équilibre écologique et spirituel
La mutation des intelligences technologiques et humaines devrait nous permettre de trouver une certaine harmonie sur le sens et l’esprit du voyage, de faire en sorte qu’il soit aussi équitable pour le loisir ou pour la survie, et que le déplacement soit le moins invasif possible. Aujourd’hui les océans sont envahis par les déchets plastiques détruisant l’équilibre de la faune et de la flore sous-marine, comment remédier à cela grâce aux intelligences technologiques ? De la même manière que nous essayons d’apporter des réponses à ses interrogations dans les pays dit développés, il convient de mutualiser ces intelligences avec d’autres parties de la planète afin que le voyage ne devienne plus source de désagréments pour ceux qui reçoivent mais plutôt source d’enrichissements mutuels et de partage.
Pour rester conforme à l’esprit de la conscience sociale, de l’inclusivité et de l’accessibilité, les acteurs du secteur du voyage ne devraient pas être que de simples “wedding planner”, ils peuvent et devraient tirer profit de ces prises de conscience en offrant des expériences respectueuses de la santé et de l’environnement. Cela signifie qu’il faudrait d’abord et avant tout préserver l’authenticité des destinations. Promouvoir des voyages durables, qui respectent l’environnement, préservent la culture locale, favorisent l’économie sociale, solidaire et circulaire de la communauté et s’attachent à préserver la santé humaine.
Le voyage doit répondre à un besoin vital de reconnexion avec ce qu’il y a de plus sacré en l’humain, le souffle de vie.
Les acteurs du secteur peuvent créer des solutions pérennes pour les voyages migratoires, des forfaits ou des expériences orientées vers la nature, l’écologie et la santé humaine, comme générer de l’emploi local, investir des lieux inoccupés en milieu rural, organiser des visites de parcs naturels, des balades à vélo, des expériences de reforestation, des voyages spirituels, etc.
En outre, elles peuvent sensibiliser leurs clients, le voyageur, à l’importance de voyager de manière respectueuse et durable. Elles peuvent le faire en informant, en partageant des histoires et en créant des expériences qui éveillent l’amour et le respect de la culture visitée et de la nature, notre fondement.
Souvenons-nous, le véritable voyage n’est pas de voir de nouveaux paysages, mais de poser un nouveau regard. Quel meilleur moyen de voir le monde avec de nouveaux yeux que de le voir en harmonie avec la nature ?
Promouvoir la durabilité viendra aussi de l’exemplarité. L’exemplarité dans les propositions de voyages, dans la manière de les concevoir et dans le modèle structurel mis en place par les acteurs du voyage aidera chacun à savoir comment s’y prendre, à comprendre que c’est possible, et à prendre sa part de responsabilité.
Pensez-vous que les nouvelles formes d’intelligence (comme les systèmes collaboratifs ou les plateformes de partage) peuvent encourager un tourisme plus local et responsable ?
Absolument, ces nouvelles formes d’intelligence peuvent faire la différence.
Les plateformes collaboratives et les systèmes de partage peuvent aider à promouvoir un voyage plus local et responsable. Ils permettent aux voyageurs de découvrir des expériences plus authentiques, plus proches des populations, de la culture et de la nature locales.
Ils offrent également aux communautés locales la possibilité de bénéficier directement des retombées économiques et sociales du voyage, en partageant leur culture, leurs traditions et leur amour pour leur environnement. Et cela, à son tour, encourage la préservation et le respect de ces précieux atouts naturels et culturels.
C’est une situation gagnante – gagnante : les voyageurs obtiennent une expérience plus profonde et plus significative, et les communautés locales bénéficient d’un impact durable qui respecte et préserve leur environnement et leur culture.
Le voyage est un échange, pas une conquête. Faisons en sorte qu’il soit bénéfique pour tous. L’apparition depuis plusieurs années des applications de partage, des habitats collectifs, des éco-lieux, du couchsurfing, du woofing, et des chantiers participatifs en sont la preuve. Même si nos biais cognitifs sont encore très prégnants et nous empêchent d’agir avec intégrité et alignement, les signaux faibles d’une société alternative me permettent de garder espoir.
La sensibilité écologique et les anxiétés liées aux enjeux environnementaux comme l’éco anxiété ou la solastalgie sont grandissantes, espérons qu’elles ne nous rendent pas plus malades encore.
Cependant, je ne suis pas convaincue que de ne voyager que localement soit une solution. Comment revenir en arrière ? Comment se passer de la magie de la découverte d’une autre culture au-delà d’Instagram bien sûr ? La rencontre entre deux êtres humains de cultures différentes porte en elle la diversité, l’inclusion et la richesse de la complémentarité.
Est-ce que la mutation des intelligences pourrait mener à de nouvelles formes de certifications ou de normes en matière de tourisme durable ?
Je pense que les systèmes actuels de certification ou de normes ne sont pas complets et manquent d’agilité. Il s’agit dorénavant d’inventer la manière d’évaluer le respect de l’environnement et de la santé humaine physique, morale, psychique et spirituelle.
Dans une ère où les intelligences mutent et évoluent, les certifications et les normes en matière de voyage durable pourraient également subir une transformation.
Ces nouvelles formes pourraient être plus participatives, plus transparentes et plus authentiques. Elles pourraient impliquer non seulement les entreprises du voyage, mais aussi les voyageurs et les communautés locales.
Par exemple, nous pourrions voir émerger des certifications basées sur les commentaires et les notes des voyageurs, ou sur l’impact réel des entreprises sur les communautés locales.
Ces nouvelles certifications pourraient encourager et récompenser les entreprises qui sont vraiment engagées en faveur de voyages durables, et condamner celles qui font simplement du greenwashing.
Le véritable changement vient toujours de l’intérieur. C’est en changeant nos propres comportements que nous pouvons vraiment faire une différence.
Quel conseil donneriez-vous aux acteurs du tourisme qui souhaitent anticiper et s’adapter à cette mutation des intelligences tout en priorisant la durabilité ?
Je n’en donnerais pas qu’un et de façon non prioritaire, je suggérerais aux chefs d’entreprise :
-Aller au-delà de la loi dès aujourd’hui pour de meilleures conditions bien sûr
-Prendre le temps de comprendre les paradoxes personnels et organisationnels
-Travailler le projet avec une vision holistique et systémique
-Assurer l’alignement vision/mission/actions de l’entreprise
-Ralentir la croissance, et assurer de la frugalité dans leur développement (sobriété heureuse)
-Et le plus important, coopérer.
Je m’adresse aussi à notre être intérieur : cher explorateur du voyage durable, voici quelques graines de sagesse pour ton voyage.
Écoute et comprends : Comprends ton public, ses attentes, ses valeurs. Les voyageurs d’aujourd’hui cherchent des expériences plus authentiques, plus respectueuses de l’environnement et de la culture locale mais aussi un refuge.
Innove : Explore de nouvelles idées, de nouvelles formes de voyage. Le futur appartient à ceux qui sont prêts à sortir des sentiers battus.
Partage : Partage ton amour pour la nature, la culture locale. Fais sentir à tes interlocuteurs qu’ils ne sont pas juste des touristes, mais des explorateurs, des protecteurs de la nature, des humains.
Collabore : Travaille avec la communauté locale, avec d’autres entreprises, avec tes clients. Ensemble, nous pouvons accomplir de grandes choses.
Sois authentique : Ne te contente pas de parler de durabilité, vis-la, respire-la, incarne-la. L’authenticité est la clé de la confiance et du respect.
Et souviens-toi, le vrai voyageur n’est pas celui qui parcourt mille kilomètres, mais celui qui parvient à faire un seul pas hors de lui-même. Fais ce pas vers la durabilité, et le voyage sera magnifique.
Comment vous entourez vous pour apporter des réponses collectives auprès des partenaires que vous rencontrez ?
D’abord, j’essaie d’être une bonne auditrice. J’écoute avec mon cœur, pas seulement avec mes oreilles. C’est une forme d’amour, d’acceptation. J’essaie d’appliquer l’agapè.
Ensuite, j’inclus tout le monde. Chaque voix compte. Je fais en sorte que chacun se sente valorisé, respecté, apprécié. Un arbre ne peut pas faire une forêt.
Troisièmement, j’essaie d’être ouverte et flexible. Les idées sont comme le vent, elles vont et viennent, changent de direction. Je les laisse venir à toi avec accueil et acceptation.
Enfin, chaque rencontre est une opportunité d’apprendre, de grandir, de s’épanouir. L’univers a une façon merveilleuse de tisser des réseaux. Là j’applique la deuxième définition d’Agape : le repas communautaire, ce moment de cohésion, de collaboration et de coopération.
L’harmonie se crée en écoutant, en valorisant, en étant flexible, et en voyant chaque rencontre comme une opportunité. J’ai un réseau constitué depuis 2004 grâce à mon sourcing et les relations privilégiées que je construis à chaque étape de ma carrière et de ma vie, parfois le perso et le pro se mélangent. Depuis trois ans, je fais partie d’un groupe d’entrepreneurs le BNI, nous nous réunissons chaque vendredi matin selon une méthode bien définie, ce qui m’a permis de compléter mon réseau d’experts et de contribuer humblement à un monde meilleur, enfin je l’espère !