Grégory Lanter, Chief Development & Construction Officer, Club Med
Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre rôle au sein de Club Med ?
J’ai fait HEC et je suis entré au Club Med à la fin de mes études dans l’équipe développement, dont j’ai pris la direction 15 ans plus tard.
Mes équipes couvrent toutes les actions liées à l’immobilier du Club Med, dans tous les périmètres géographiques. Dans les fonctions dont j’ai la charge, il y a le développement avec les chasseurs de projets mais également des relations avec des équipes architecture et design qui aident à concevoir les projets. Nous faisons toujours appel à des architectes de renom pour construire nos projets mais j’ai une équipe d’architectes en interne qui les accompagne pour faire en sorte que les produits livrés soient vraiment des produits Club Med et pas des hôtels lambda. Nous avons une équipe construction, avec des ingénieurs, pour piloter les chantiers. Nous avons ensuite deux autres équipes, une de project managers qui coordonne les projets en interne et une de promotion immobilière qui réalise des appartements, chalets et villas que nous développons et vendons à des individuels puis exploitons pour leur compte. C’est une équipe d’environ 70 personnes répartie entre Miami, Paris, New-York et Singapour.
Pouvez-vous revenir sur l’arrivée de Fosun au sein du Club Med ?
Depuis très longtemps, nous proposons des voyages partout en Asie et nous avons toujours cru en ce marché. Le marché chinois est aujourd’hui le 2ème marché du Club Med en nombre de clients. Nous avons eu une croissance très rapide, 100 000 clients en 2013 pour atteindre 243 000 clients en 2019.
Pour revenir à la genèse, c’est en 2003, lorsque la Chine a autorisé le voyage individuel, que nous avons tout de suite senti la formidable opportunité que cela pouvait représenter. Nous avons alors connu une croissance assez importante de cette clientèle, au point de faire du marché chinois dans les années 2000 notre deuxième clientèle massive. Cela nous a amené rapidement à la conclusion suivante : pour le marché chinois, il fallait faire plus que de vendre des vacances en dehors de Chine, il fallait vendre des vacances en Chine. Nous avons étudié de nombreuses pistes et avons jeté notre dévolu sur un premier projet très structurant, le projet de Yabuli, au nord de la Chine. C’était un hôtel existant, dans une station de ski nouvellement créée mais qui n’arrivait pas à attirer les clients. Nous avons négocié un partenariat avec le gérant et ouvert ainsi en 2009 notre premier resort en Chine. Nous avions déjà un savoir-faire pour ce type de produits et savions comment le mettre en valeur sur le marché chinois. Nous avons alors réalisé que nous pouvions mener à bien ce type de projet seuls mais que nous n’irions pas assez vite. Si nous voulions être plus forts plus rapidement en Chine, il nous fallait un partenaire chinois. Très vite, nous nous étions rendu compte que ce partenaire devait être un actionnaire et c’est dans ce cadre que nous avons rencontré Fosun. Nous avons tout de suite eu des atomes crochus, tant dans leurs valeurs humaines que dans leurs investissements économiques et stratégiques. Fosun est alors entré au capital du Club, au démarrage, à 8%. C’était la première fois qu’une entreprise chinoise entrait en tant qu’actionnaire minoritaire dans une société cotée. Ils sont ensuite restés pendant 3 ans au conseil d’administration et à partir de 2013 un projet de rachat de Club Med a été proposé, conjointement entre Fosun et Ardian ex AXA Private Equity. Pendant un an et demi, nous sommes entrés dans un processus d’OPA où tout s’est mal passé. D’abord un blocage juridique puis une contre-offre et une surenchère sur le prix de l’action. Ce processus s’est terminé début 2015 par le rachat du Club majoritairement par Fosun.
Aujourd’hui, quelle est la composition du capital de Club Med ?
Au départ, c’était Fosun et Ardian ex AXA Private Equity. Depuis, les choses ont évolué. Aujourd’hui, le Club Med fait partie d’une branche du groupe Fosun : Fosun Tourism Group. Cette branche détient le Club Med et d’autres actifs. Elle a été introduite à la bourse de Hong Kong en décembre 2018 à hauteur de 18,6%. Aujourd’hui, l’actionnariat du Club est Fosun Tourism and Group qui a pour actionnaires Fosun International et d’autres actionnaires asiatiques. .
Comment les différentes équipes de votre pôle interagissent-elles avec Fosun ?
J’ai de la chance car mon équipe est une de celles qui est le plus en interaction avec Fosun. C’est fondamentalement un fonds d’investissement donc ils récupèrent les projets potentiels qui pourraient nous intéresser. Nous sommes en contact avec eux dans différents pays, avec leurs bureaux régionaux pour remonter les opportunités. Investir dans de l’immobilier hôtelier n’est pas leur cœur de stratégie mais, si une opportunité se présente, ils regardent volontiers si cela peut entrer dans leurs investissements. Mon équipe interagit avec eux comme si c’était une autre équipe en interne, de façon assez naturelle. Toutes les équipes du Club n’interagissent pas avec Fosun.
Comment le projet a-t-il été communiqué en interne et auprès des clients ?
Au niveau des clients, tous sont d’accord pour dire que rien n’a changé. Cela a permis au Club d’accélérer son développement et donc de proposer plus de produits de meilleure qualité. Le Club est meilleur, plus grand et plus gros, c’est mieux pour le client ! Si nous avons ce résultat, c’est parce que nous avons un ancrage et un savoir-faire français. C’est aussi ce que reconnaissent les clients étrangers et c’est pour cela qu’ils viennent. Il est donc important que le comité de direction reste le même. Notre investisseur chinois nous aide à être plus international mais n’a pas d’impact sur le produit en tant que tel. Du point de vue des salariés, cela s’est fait progressivement. Tout le monde a pu apprendre à connaître nos investisseurs chinois depuis 2010. Le PDG de Fosun est venu à plusieurs inaugurations de clubs, il a montré qu’il était accessible et à l’écoute, c’est très important dans les valeurs du Club Med. Nous avons eu à coeur de montrer que nous avions des valeurs culturelles étonnamment proches.
Avec-vous des relations avec les autres structures touristiques de Fosun ?
Oui, dans Fosun Tourism and Group et avec Fosun en général, nous avons beaucoup oeuvré. En rentrant dans notre capital, Fosun a permis d’appuyer une marque extraordinaire qui est le Club Med et de l’associer à un investisseur de premier plan, international et chinois qui est le marché d’avenir du tourisme. L’entrée de Fosun à 10% puis la prise majoritaire dans le capital du Club a apporté beaucoup de crédibilité additionnelle, c’est un premier impact très positif. Le deuxième apport est un réseau en Chine pour le développement de nouveaux resorts. Ils nous ont appuyé auprès des autorités et des investisseurs immobiliers et rendu plus facile notre développement local. Enfin, ils nous ont soutenu dans des projets en dehors de Chine, au Japon notamment. Depuis, Fosun a pris sa participation dans différents secteurs d’activité du tourisme, les plus notoires ont été par exemple une prise de participation dans Thomas Cook ou dans Le Cirque du Soleil. Nous avions d’ailleurs un partenariat Le Cirque du Soleil avant l’entrée au capital de Fosun. Nous nous retrouvons tous lors d’une convention à Shangaï chaque année. Nous travaillons sur un ensemble de synergies qui peuvent se faire les uns avec les autres, au niveau des infrastructures et des possibilités de services mis en place.