S’engager dans la transition durable en misant sur la réduction de véhicules individuels

Stanley BAUDU

Poste : Head of Virtuo For Business

Pouvez-vous présenter la genèse de Virtuo ?

Karim KADDOURA, CEO et co-fondateur de VIRTUO est le fils d’un grand concessionnaire Mercedes/Smart parisien qui s’appelle Como. Il intègre Science Po en 2007. En association avec Thibault CHASSAGNE, il crée, dans le cadre d’un projet étudiant sur l’entrepreneuriat, un site internet de vente de voiture neuve pour les concessionnaires : Neowebcar, une offre qui n’existait pas jusqu’alors sur les voitures neuves. Soutenu par l’incubateur de Sciences Po et les jurys constitués d’entrepreneurs, Neowebcar séduit rapidement les clients et les concessions. Suite à ce succès, ils revendent en 2014 Neowebcar à L’Argus. En parallèle à cela, Karim Kaddoura, parisien et fan de voiture, voyait bien que la mobilité dans la ville était en train de changer. Premièrement, il était de plus en plus pénible d’avoir une voiture quand on habite en ville dû à la réduction des voies pour les voitures, la piétonnisation, la régulation de circulation, etc. Deuxièmement, si de nouvelles alternatives de mobilité douce apparaissent pour les petits trajets tels que vélo, scooter et trottinette en free-floating, ces solutions n’étaient pas adaptées aux longs trajets, par exemple lorsqu’un citadin veut partir un week-end au grand air ou en vacances. La seule option était jusqu’alors de faire appel aux loueurs de véhicule courte durée, mais l’expérience client n’était pas à la hauteur. C’est comme ça qu’est né Virtuo. Aujourd’hui, Virtuo compte plus de 160 salariés et 6000 véhicules à la location.

 

Virtuo semble œuvrer pour une mobilité sans couture et connectée. Comment cela se traduit-il chez Virtuo ?

Effectivement, nous proposons une dématérialisation complète de l’expérience de location au travers d’une application mobile. Le client est autonome de A à Z. Le client ne passe plus par un comptoir : il n’y a plus de file d’attente. Il ouvre sa voiture en autonomie, et réalise son propre état des lieux lors de la prise en charge et la restitution du véhicule. C’est ensuite l’un de nos agents qui viendra plus tard inspecter la voiture, vérifier l’état des lieux, et préparer le véhicule pour la location suivante. Nous sommes donc sur le même modèle que celui des loueurs courte durée, mais avec cette notion d’expérience client connectée. Le succès de Virtuo s’appuie aussi beaucoup sur les retours clients mitigés quant aux services des loueurs de courte durée classique : files d’attente au comptoir, gestion administrative chronophage, services annexes en supplément.

 

Quelle est votre cible client ?

Notre positionnement était plutôt orienté B2C depuis la genèse. Nous ciblons vraiment les citadins parmi les nouvelles générations qui ont à cœur d’avoir une expérience digitale, mais aussi les citadins qui ne trouvent plus d’intérêt à posséder leur propre véhicule. Nous souhaitons conquérir les clients un peu déçus de leurs expériences de location courte durée auprès de nos concurrents historiques. Pour des raisons de saisonnalité et de rentabilité, mais aussi parce que cela correspondait à un besoin du marché, nous nous sommes positionnés sur le business travel et nous nous sommes ainsi développés sur le B2B. Aujourd’hui, chez les loueurs historiques, le B2C représente 60% du chiffre d’affaires et le B2B, 40%. Chez Virtuo, sur ce segment B2B, nous avons encore une belle marge de progression puisqu’il représente pour le moment 5-6% de notre chiffre d’affaires.

 

Qu’est-ce qui fait la spécificité de Virtuo en matière de technologie ?

La technologie chez Virtuo est au centre de notre modèle pour gérer notre activité et proposer une expérience optimale et pour que le service client soit concentré sur la relation client pure et sur la satisfaction client. Donc pour l’ouverture des véhicules à distance, nous sommes sur une technologie externalisée Bluetooth d’OTA Keys, rachetée par Continental. Pour le reste, l’application sur mobile et l’expérience utilisateur qui en découle, ainsi que notre back-office ont été développés en interne. Nous comptons près de 50 personnes qui travaillent spécifiquement sur le développement de nos produits et la maintenance de cette technologie en interne, ce qui représente un tiers de notre équipe. En complément, une équipe Digital Key a été créée il y a deux ans maintenant pour travailler activement sur l’amélioration des connectivités avec OTA Keys. Cette même équipe est en train de développer en parallèle un outil propre pour que nous soyons désormais complètement indépendants sur notre technologie. En effet, les constructeurs automobiles comme BMW ou Tesla développent de plus en plus de connectivités avec Apple ou encore Samsung pour que les communications entre les téléphones et les voitures soient beaucoup plus simples. Nous allons pouvoir communiquer à terme avec les véhicules et personnaliser l’expérience durant le trajet à l’intérieur de la voiture pour nos clients.

 

La concurrence va donc être plus forte sur votre positionnement ?

Effectivement tous les acteurs qui travaillent dans le secteur de la location de véhicules ou de l’automobile auront effectivement des opportunités de marché. Côté Virtuo, notre but est de garder une longueur d’avance sur les innovations mises en place dans ce domaine. Typiquement, la dernière innovation que nous offrons, c’est la livraison. Désormais, un agent vient livrer le véhicule et le client le récupère en autonomie sans qu’il lui soit nécessaire d’interagir avec l’agent : un atout supplémentaire au service du client.

 

Est-ce que la technologie que vous développez vous permet aussi d’optimiser la gestion de votre flotte et in fine de votre rentabilité ?

Complètement. Nous sommes connectés à chacun de nos véhicules, ceci nous permet de connaître exactement toutes les disponibilités en temps réel. Nous arrivons donc à avoir des taux d’utilisation qui atteignent les 85 à 90 %. Le seul moment où le véhicule n’est pas loué correspond aux périodes de 12h pendant lesquelles les agents viennent contrôler le véhicule et le nettoyer. Ce temps-là est à ce jour incompressible, car on ne peut pas se permettre de le réduire au risque de dégrader la qualité de service. Cette visibilité en temps réel par voiture est un réel atout par rapport à la concurrence. Toutes ces informations sont collectées et consolidées dans notre outil de back office qui a été développé en interne afin d’apporter une analyse fine pour chacune de nos voitures : disponibilité, kilométrage, dysfonctionnement technique, maintenance, etc. Côté B2B, nous travaillons de plus en plus avec de grandes entreprises sur l’optimisation de leur flotte automobile et de leurs voitures de fonction. En effet, la mise en place du crédit mobilité permet de repenser le fonctionnement des entreprises sur ce sujet avec leurs employés. Nous travaillons également avec des acteurs comme Betterway ou Skipr, car notre offre Virtuo a sa place dans cet écosystème également.

 

Donc, en B2B vos interlocuteurs sont à la fois des Travel Managers sur les déplacements professionnels, mais aussi des Fleet Managers chargés des flottes automobiles ou du crédit mobilité ?

Exactement. Le point positif, c’est que nous n’avons pas besoin de développer une nouvelle offre puisqu’elle s’adapte en fonction des usages. En revanche, nous devons encore travailler sur les connectivités avec les acteurs cités pour pouvoir aussi bien gérer les paiements avec les cartes de crédit mobilité que pour développer les flux d’informations entre les différents systèmes informatiques utilisés par les services gestionnaires des ressources humaines et de la paie en entreprise.

 

Selon différentes sources, les voitures sont responsables de 10 à 20 % des émissions de CO2 dans l’Union européenne. Comment Virtuo s’engage-t-il sur ce sujet ?

La vision de Virtuo depuis sa création, c’est d’éviter l’achat de voiture personnelle pour les citadins puisqu’elle n’y a plus aucune raison, ni économique ni écologique, d’en posséder une. Donc, notre engagement est total sur ce sujet. Ajouter à cela, les municipalités sont clairement dans une guerre aux véhicules dans les centres ville. Clairement, notre cœur de métier œuvre pour la réduction des émissions carbone et pour la mutualisation des véhicules au sein des grandes villes. Et à ce sujet, Virtuo s’est engagé dans le collectif mobilité Île-de-France qui a pour objectif de promouvoir une démarche collective de changement vers une meilleure mobilité à Paris et en Île-de-France, suite à l’impact du Covid-19. En parallèle, nous compensons 100 % de nos trajets au travers de programmes écoresponsables. Cette compensation est soit impulsée par le client, soit déclenchée automatiquement par Virtuo si le client n’a pas souhaité y contribuer.

 

Quels sont les prochains projets pour Virtuo ?

Le futur de Virtuo se structure autour de 3 piliers. Le premier, l’extension géographique parce que nous avons de plus en plus de demandes sur de nouvelles villes. Le second, l’innovation, c’est-à-dire poursuivre l’amélioration de l’expérience voyageur et des outils mis à disposition par nos équipes. Le dernier pilier, l’élargissement de notre parc en nombre de véhicules, mais aussi en typologie de véhicules notamment avec des véhicules électriques. Notre objectif est d’avoir 50% de parc en véhicule électrique en 2025 et 100% en 2030. Compte tenu du contexte où il est de plus en plus difficile de se procurer des véhicules, c’est un objectif très ambitieux.