Produire des offres touristiques déconnectées

Sandrine Gaussein-Casanova

Poste : Directrice Communication & Events, associée, Out Of Reach

Pouvez-vous présenter votre parcours ?

J’ai voyagé les premières années de ma vie professionnelle, à la recherche d’expériences nouvelles authentiques, puis j’ai posé mes valises entre Buenos Aires et la Patagonie, en fédérant une équipe franco-argentine autour du content marketing. Nous étions animés par la recherche de sens et d’authenticité dans la communication. Nous télétravaillions beaucoup, ce qui nous permettait, chacun, de vivre en toute liberté géographique. Mais un jour, à force de passer ma journée derrière l’écran, à créer des expériences digitales, j’ai eu envie de crever l’écran!

 

Comment la genèse du projet a-t-elle émergé ?

Alors que je songeais à passer de l’autre côté de l’écran, mon amie de longue date, Félicie, qui accompagnait des entrepreneurs depuis le secteur bancaire, avait, elle, très envie de passer de l’autre côté de la barrière. Une expédition partagée ensemble en Patagonie, en totale déconnexion, a fini de sceller notre destin et faire émerger Out Of Reach. Nous avons toutes deux ressenti une véritable libération, en zone blanche patagonique, quand plus rien n’existe que le présent, la nature et les gens autour. Alors que j’étais, au sein de mon agence de communication, témoin (et actrice !) directe de la digitalisation de nos vies, j’ai senti que des havres de déconnexion comme les parcs naturels que nous traversions étaient voués à disparaître. Félicie, déconnectée née, était naturellement convaincue des bienfaits d’une vie éloignée des écrans. Nous avons décidé de partager cette expérience régénératrice avec nos congénères et leur proposer des espaces-temps de déconnexion. Nous avons d’abord identifié des lieux propices à la déconnexion, au vert, en France et à l’étranger, et les avons labellisés “Out Of Reach” ; puis nous avons cocréé des séjours dans ces lieux déconnectants et les avons proposés à la vente (d’abord directe, puis via des Box WE déconnexion: “Erreur 404”, “Ça va couper, chéri·e”, etc.) Aujourd’hui, nous créons également des séjours sur-mesure pour des entreprises qui souhaitent organiser des séminaires déconnectants pour leurs équipes. Et, depuis le Covid, nous ne travaillons plus que les destinations françaises, ce qui finalement nous permet d’être plus alignés avec notre aspiration à la sobriété!

 

En quoi Out Of Reach devient «un luxe» comme précisé dans votre slogan ?

La rareté fait le luxe… or les espaces et les temps de déconnexion ne se font-ils pas de plus en plus rares ? Où et quand ne sommes-nous pas sollicités par les notifications de notre smartphone, autour de sujets plus ou moins “urgents” ? Bref: quels espaces-temps de paix nous restent-ils ? Tant que le design digital et ses mécanismes géniaux de captation de l’attention ne seront pas remis en cause, il nous sera difficile de faire une pause. Aujourd’hui, les “utilisateurs” que nous sommes ont une liberté toute relative de décrocher et débrancher. L’hyperconnexion est d’ailleurs reconnue comme un problème de santé publique et son traitement est intégré au Plan National de Lutte contre les Addictions en France. Franchement, 24h sans smartphone, c’était quand, pour vous ? Dans un monde hyperdigitalisé qui va à 1000 à l’heure et où la seule innovation possible semble être technologique, Out Of Reach va à contre-courant, pour justement proposer une pause des technologies et permettre de vraies vacances. Out Of Reach est la première agence à proposer et garantir la déconnexion en week-end / vacances, à proposer de vrais breaks.

 

En quoi ces projets répondent-ils aux nouvelles attentes des voyageurs ?

Les voyageurs ont généralement une attente majeure: “couper”. Couper de leur quotidien, couper de leur rythme effréné, couper du travail, et couper du connu pour faire des découvertes. C’est exactement ce que permet un séjour en déconnexion: ralentir en sortant du flot digital de notifications qui nous embarque dans un sentiment d’urgence permanent, notamment les notifications de travail, qui nous ramènent sans cesse dans la sphère professionnelle. Mais aussi faire tomber l’écran qui nous sépare de notre environnement pour nous plonger dans le présent, et nous permettre de connecter authentiquement avec le territoire que nous parcourons et ses habitants. Mettre de côté les “top 10 à découvrir” vantés par nos applis smartphone, pour ouvrir la porte aux découvertes fortuites et sortir des sentiers battus. Avec Out Of Reach, nous offrons un cadre nature déconnectant, l’absence de tentations (absence d’écrans, voire de réseau), des activités de plein air enthousiasmantes, bref les conditions pour que la déconnexion s’impose d’elle-même. Une forme d’éloge de la sobriété, qui répond également aux aspirations des voyageurs de retour aux sources et à la nature.

 

Et en quoi répondez-vous aux attentes des entreprises ?

Nous permettons aux collaborateurs des entreprises de déconnecter pour reconnecter en mode collectif (séminaires d’entreprise), ou en mode individuel (Box-week-end déconnexion). Dans le contexte actuel Covid de télétravail généralisé, le besoin de reconnexion et de remotivation des équipes, souvent isolées, est particulièrement criant. Et les entreprises plébiscitent notre crédo: Disconnect to Better Reconnect.

 

Quels types d’expériences sont proposées aux voyageurs ?

Le dénominateur commun des expériences que nous proposons est l’immersion nature. Le cahier des charges du Label Out Of Reach pose les fondamentaux d’un séjour débranché :

• un cadre déconnecté ou déconnectant en pleine nature

• un contenu qui connecte au territoire, à soi, aux autres

• un accompagnement bienveillant des voyageurs dans leur souhait de déconnecter Nous classons les expériences de déconnexion selon 3 niveaux:

1. environnement déconnectant, en pleine nature

2. + pas d’écrans / TV + pas de wifi

3. + pas de réseau internet (voire téléphonique!)

Et nous proposons différents styles de séjours, pour répondre à tous les goûts, car déconnexion ne rime pas exclusivement avec zen & yoga. On peut aussi débrancher en nature en mode wild – en descendant une rivière et en bivouaquant-, en vivant une expérience insolite, perché dans une cabane, ou encore en s’immergeant en mode slow, dans un gîte totalement connecté à la terre et au territoire, qui nous fera voyager loin, au cœur du terroir.

 

Quel sentiment développent-ils lors de ces voyages ?

Quel type de clientèle approchez-vous ? D’abord, pour les plus accrocs, un séjour Out Of Reach provoque une certaine forme de stupeur. Nous ne sommes plus habitués au vide! Plus de notifications qui nous font nous sentir “important”, plus de fil digital auquel se raccrocher. On se sent nu, à corps perdu dans le présent! Puis la magie de la déconnexion opère : décélération, connexion des sens, reconnexion avec les siens, partage, authenticité… sentiment de libération. Et le sentiment de se retrouver, enfin. Notre clientèle est assez hétéroclite: elle est majoritairement urbaine (mais pas que !), composée de mères de famille, de couples, mais aussi de personnes seules. Notre cible principale se situe dans la tranche d’âge 30-55 ans mais les jeunes s’intéressent aussi beaucoup à nos offres, comme une réponse à leurs aspirations à la sobriété. Et aujourd’hui, le gros de notre clientèle est également BtoB (start-up mais aussi grands groupes), avec l’organisation de microséjours / séminaires incentive déconnectants, en nature.

 

Quelle place tient le digital dans la commercialisation de votre offre ?

Notre offre est commercialisée quasi exclusivement via le digital. Car c’est bien dans la sphère digitale que nous évoluons tous, et en particulier ceux qui souhaitent de l’aide pour débrancher!

 

Sommes-nous sur un segment de niche ou sur une tendance qui devrait se développer ?

Le voyage en déconnexion se distingue de la “digital detox”, avec sa dimension “cure”. Cette dernière est plutôt un segment de niche. Le voyage en déconnexion, quant à lui, s’inscrit naturellement dans les grandes tendances que sont le tourisme nature et le slow tourisme. Comme la déconnexion est selon nous la condition sine qua non de vraies vacances… c’est, selon nous, une tendance de fond qui se développera immanquablement !