Conquêtes de l’espace et voyages spatiaux

Fabrice Del Taglia

Poste : Directeur Général, NOMADE AVENTURE

Le 7 juillet 2022, Nomade Aventure se voyait remettre un « Trophée de l’innovation du tourisme » dans la catégorie « Production » pour l’originalité de son offre de “voyages spatiaux”. Quel type d’expériences proposez-vous à vos voyageurs ?

Ce ne sont évidemment pas des voyages dans l’espace façon Musk, Branson ou Bezos, mais des séjours sur le thème de l’histoire et de l’actualité de la conquête spatiale qui permettent en quelque sorte de vivre l’aventure spatiale par procuration. En Russie – le premier voyage que nous avons proposé, actuellement suspendu pour les raisons qu’on imagine -, cela va de la découverte de la véritable capsule Vostok 1 de Gagarine à la visite de l’émouvante maison de Konstantin Tsiolkovski – fondateur de l’astronautique – à Kalouga, en passant par celle de la confidentielle “Cité des Étoiles” – de son nom officiel, “Centre d’entraînement des Cosmonautes Youri Gagarine” ; et tout cela avec l’accompagnement et les explications du grand astronaute français Jean-Pierre Haigneré, qui a longtemps détenu le record hexagonal de temps passé dans l’espace (209 jours) et qui raconte de nombreuses anecdotes sur ses années de vie à la Cité des Étoiles et ses deux missions à bord de la station MIR. Aux États-Unis, il s’agit, sur le plus complet de nos voyages, de revivre l’épopée de la conquête de la Lune : contempler le scaphandre de Neil Armstrong au National Air and Space Museum à Washington, visiter le Johnson Space Center à Houston et le Kennedy Space Center à Cap Canaveral, et même rencontrer un vétéran du programme Apollo (en 2019 il s’agissait d’Al Worden, pilote du module de commande d’Apollo 15, disparu depuis). Mais nos voyages ne sont pas uniquement tournés vers le passé : en 2022 nous avons ainsi permis à une poignée d’heureux participants d’assister, à Cap Canaveral, à seulement 5.6 km du pas de tir, au lancement de la fusée SLS dans le cadre de la mission Artemis 1, coup d’envoi du retour de l’Homme sur la Lune ; et, à d’autres, d’assister à celui, en Guyane, d’une fusée Ariane 5 emportant un énorme satellite de télécommunications. Bref, sans quitter le plancher des vaches, et sans avoir besoin d’être milliardaires et de subir un entraînement de plusieurs mois, les participants à nos voyages accomplissent leur rêve, souvent ancien, de vivre un moment de la conquête spatiale, et en éprouvent de sacrées émotions.

 

Nomade Aventure propose cette offre depuis 2019. Vous en êtes à l’origine et, si l’on s’en tient à l’interview parue en avril 2021 sur le blog de Nomade Aventure, votre contribution n’est pas seulement liée à votre fonction de Directeur Général ?

En effet, j’ai des raisons personnelles d’avoir souhaité proposer de tels voyages à nos clients. À l’âge de 11 ans, déjà passionné par la conquête spatiale, j’ai eu la chance de remporter un concours sur ce thème organisé par le magazine Pif Gadget. Le premier prix consistait en un voyage d’une semaine en URSS sur le thème de l’espace, avec visites de la Cité des Étoiles, de Kalouga, et de la Maison de Korolev à Moscou. Par la suite, devenu directeur marketing d’un organisme de colonies de vacances à thèmes (scientifiques en particulier), j’ai créé en 2011, à l’occasion du 50e anniversaire du vol de Gagarine, un voyage comparable pour adolescents passionnés.

 

Cela s’exprime donc autrement chez Nomade Aventure ?

Pour Nomade Aventure, tour opérateur spécialisé dans le voyage d’aventure, j’ai souhaité cette fois m’adresser à tous, petits et grands, fascinés par l’exploration spatiale, une des plus grandes aventures humaines, et cela en adéquation avec les valeurs d’aventure portées par Nomade. Nous ne proposons pas du “tourisme spatial” à proprement parler, mais des voyages commémoratifs, historiques, culturels, sur la conquête spatiale à visée scientifique. D’ailleurs les participants, très divers (hommes et femmes de 4 à 80 ans), sont tous mus par la passion et l’enthousiasme.

 

Combien de produits proposez-vous dans cette gamme ? Comment y répond la demande, en termes de clients réels ou prévisionnels ?

La gamme comporte actuellement quatre propositions : une en Russie (suspendue jusqu’à nouvel ordre), deux aux États-Unis, une en Guyane. Une cinquantaine de voyageurs ont jusqu’ici pris part à ces voyages, mais il faut se rappeler que les premiers départs ont eu lieu en octobre 2019, et que peu après nous avons subi deux ans de crise sanitaire, ce qui a conduit à l’annulation de plusieurs départs. Quoi qu’il en soit, cela reste bien évidemment une offre de “niche”, avec une clientèle que nous adressons d’ailleurs de façon très spécifique, par des communications dans la presse spécialisée par exemple.

 

On sait le groupe Voyageurs du Monde, auquel Nomade Aventure appartient, est très investi dans les valeurs environnementales. Pensez-vous qu’il sera possible de concilier à terme exploration spatiale et environnement ?

En effet, la minimisation des impacts négatifs, et la maximisation des impacts positifs, de notre activité de voyagiste, sont au cœur même de notre vision et de nos pratiques. Cela passe notamment par l’absorption de la totalité des émissions de CO2 liées aux voyages que nous proposons, grâce au financement de programmes massifs de reforestation et de plantation de mangrove. Pour en revenir à l’espace, on sait que toute activité humaine a un impact potentiellement négatif sur l’environnement et par conséquent le voyage spatial ne fait pas exception. À l’heure actuelle, le “tourisme spatial” proposé par Virgin Galactic ou Blue Origin, voire en partie SpaceX, a choqué certains, car cela peut sembler être, non seulement un indécent hobby de milliardaire, mais de plus une gabegie écologique. Si un tel “tourisme” devait se développer aussi massivement que le projettent leurs promoteurs, avec plusieurs dizaines de lancements annuels, il est évident que cela poserait problème, et que des mesures devraient être prises pour le limiter et/ou compenser son impact, afin de préserver à la fois la Terre et l’Espace. Reste à savoir si ce sera le cas : un accident – il faut rappeler que tout voyage dans l’espace reste dangereux, 33 astronautes ont perdu la vie depuis les débuts de la conquête spatiale – ne mettrait-il pas un coup d’arrêt à ces voyages ? En ce qui concerne l’exploration spatiale à visée scientifique, la balance entre les apports – sur notre vie quotidienne, mais aussi notre compréhension de l’univers – et les inconvénients me paraît, en revanche, infiniment plus favorable.