Comment les parcs nationaux ont-ils émergé dans le paysage touristique et quelles en sont les missions principales ?
Le Parc national a été créé en 1979 par une volonté politique nationale de préserver un territoire. Il fait partie des 10 parcs nationaux de France dont les missions reposent principalement sur la protection de la biodiversité et des paysages. Ces Parcs nationaux permettent aussi de mieux connaître la nature et avec une approche scientifique, pour ensuite la partager avec les habitants et les visiteurs.
En tant que chargée de projet, comment répondez-vous à ces missions ?
Dans cette structure, ma première mission est liée au développement local. C’est une nouvelle mission des Parcs qui est apparue dans la charte de 2012. Avant, on se concentrait d’avantages sur les zones cœur de parc, soit la partie réglementée du parc. Nos missions étaient tournées autour des notions de protection, de préservation, et de connaissance ms scientifiques. Depuis, on travaille avec les acteurs locaux sur l’ère de l’adhésion, c’est-à-dire, la zone non réglementée qui correspond au reste des communes adhérentes. Nous travaillons ensemble sur des projets de territoire comme des sentiers, des projets de valorisation patrimoniale et touristique ou des projets de lutte contre la pollution lumineuse. Ma deuxième mission correspond au projet RICE Alpes Azur Mercantour (Réserve Internationale pour le Ciel Étoilé). C’est un label international qu’a obtenu une partie du territoire du Mercantour en collaboration avec le Parc naturel régional des Préalpes d’Azur et la communauté de communes des Alpes d’Azur.
En quoi ce label est-il structurant pour vos activités ?
Le label RICE est une reconnaissance internationale. A l’origine, le label a été créé par des astronomes pour alerter sur la pollution lumineuse qui entraînait une perte de la qualité du ciel étoilé. Dans ce cadre, ils ont créé l’association IDA (International Dark sky Association) qui a proposé de labelliser des territoires protégés pour recenser et garantir des espaces privilégiés pour l’observation. Pour obtenir ce label, il a fallu candidater et prouver que le ciel du Parc était de bonne qualité. On a fait des mesures de noirceurs du ciel avec un appareil SQM (sky quality meter) qui qualifie la brillance du ciel. On effectue ces mesures en plusieurs points et en plusieurs saisons.
Comment assurer cette non-brillance du ciel en travaillant avec les collectivités autour de cet engagement ?
Pour disposer du label, il faut aussi s’engager à préserver cette noirceur du ciel en limitant la pollution lumineuse : faire en sorte qu’elle ne progresse plus, voire même si possible, qu’elle régresse. Sur le dossier de candidature, il faut démontrer ces engagements pris par les collectivités pour diminuer cette pollution lumineuse. C’est un label obtenu pour 10 ans et chaque année, il faut prouver que des actions ont été mises en place. Pour commencer et pour chaque commune, il faut d’abord savoir qui a la charge de l’éclairage public. C’est très variable selon les collectivités. Ça peut être la commune, la communauté de commune ou un syndicat d’électrification. Sur mon secteur, l’investissement est souvent à la charge des communes et la maintenance est assurée par la communauté de communes. Il faut donc rencontrer tous ces interlocuteurs pour leur présenter les enjeux liés à la pollution lumineuse, de façon générale et ses effets sur le local. On montre alors des exemples précis de lampadaires, comme les lampadaires boules qui sont la fausse bonne idée d’une époque, en éclairant le ciel plus que la rue. En terme technique, on dit qu’il faut qu’ils aient un ULOR zéro, soit une quantité de lumière émise au-dessus de l’horizontale qui soit nulle. Ensuite on les sensibilise aussi sur les sources lumineuses, comme certains types d’ampoules qui peuvent être très énergivores. On pense directement à la LED. Cependant la LED est une source lumineuse qui produit une lumière blanche et qui contient beaucoup de lumière bleue, nocive pour la biodiversité et pour notre santé. Aujourd’hui, il existe d’autres types de LED à température chaudes, ambrées, qui correspondent mieux à nos exigences techniques. Notre mission repose donc dans l’accompagnement de ces collectivités pour leur donner ces informations et leur partager les codes techniques. On travaille avec eux, sur le terrain pour observer le mobilier urbain. Alors, on peut mettre en place un plan de rénovation de l’éclairage public pour envisager des extinctions en deuxième parties de nuit, pour cibler les lampadaires à changer, etc.
Pourquoi le Parc national est-il allé chercher ce label ?
On se rend compte que la biodiversité nocturne et la protection des paysages n’étaient pas strictement précisées dans la charte du Parc au départ. Par contre, ces actions représentent une part importante de notre patrimoine qu’il fallait préserver pendant la nuit. On considère que deux tiers des invertébrés et un tiers des vertébrés sont nocturnes. Une grande partie de la faune a donc une vie nocturne. La perturber a des conséquences sur la faune, mais aussi sur la flore, comme sur la pollinisation. Au départ, le label RICE était très orienté astronomie, mais avec notre RICE, il a pris un tournant biodiversité que nous avions intégré directement dans notre dossier de candidature. On voit que les nouvelles RICE se sont aussi orientées dans ce sens. Ensuite, il y a le côté emblématique qui apporte une reconnaissance internationale et qui a plu aux communes que l’on accompagne. Il y a aujourd’hui 4 RICE en France, nous étions le 3e et on s’est rendu compte que les précédentes étaient aussi portées par les parcs nationaux et régionaux.
Ça a raisonné dans notre réflexion.
Ce label RICE a-t-il permis de développer une offre touristique ?
C’est le projet sur lequel on travaille actuellement. C’est la prochaine étape, la mise en tourisme de la nuit. On l’a amorcé depuis la candidature, à travers la mise en place d’animations en lien avec la biodiversité. On forme des accompagnateurs à l’astronomie, à la biodiversité nocturne, on travaille avec des prestataires spécialistes du sujet, on propose des animations sur les territoires des différentes communes. C’est un sujet qui plait beaucoup et les animations astro ont toujours un succès fou. On commence aussi à porter des projets d’astrotourisme d’envergure comme la création d’un observatoire sur la commune de Barcelonnette avec des possibilités d’observation à des fins de découvertes touristiques, mais aussi scientifiques. On est vraiment sur la structuration d’une offre touristique, tout en sachant qu’on préfère y aller tranquillement aussi. Le côté observatoire, ce sont des animations qui peuvent drainer beaucoup de monde donc on choisit aussi les endroits où on les fait. On montre que la nuit est une ressource pour la faune et la flore par sa quiétude. Les animations doivent aller dans ce sens aussi, pour qu’il n’y ait pas de débordements. En jouant sur les mots, on veut que le tourisme nocturne soit un tourisme éclairé.
Pourquoi aujourd’hui diversifiez- vous vos activités sur le tourisme ? Le tourisme est-il une activité bénéfique pour le parc ?
Je ne peux pas dire que le tourisme ait des effets positifs, par contre il est là. Typiquement, les parcs nationaux ont été des zones très recherchées post-confinement. On a vraiment assisté à une explosion de la fréquentation alors même qu’on avait déjà certains sites très fréquentés. Surtout on a vu arriver un nouveau public. Jusque-là on avait des gens qui étaient intéressés par la nature, mais surtout qui avaient déjà le pied montagnard et un minimum l’habitude de venir sur ces espaces. Post-confinement, on a eu tous les profils de touristes, ceux qui fuyaient les plages ou qui ne partaient plus à l’étranger. Et ces visiteurs n’ont pas les codes de la montagne. On doit donc apprendre à gérer cet afflux de touristes. L’idée n’est pas de refouler ces gens-là, ils ont le droit à la nature comme tout le monde. Et si on réfléchit bien, les parcs Nationaux ont été réfléchis comme des zones où l’on préserve la nature, mais aussi dans le sens de service public, avec un accès pour tous. Par contre, il faut gérer cette fréquentation qui peut avoir un impact. On y répond avec une vision du tourisme durable que l’on porte depuis une dizaine d’années, par exemple, avec la charte européenne du tourisme durable.