Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?
J’ai commencé ma carrière en 2004 à Bruxelles dans les affaires publiques européennes. J’ai ensuite travaillé pour le cabinet de lobbying Grayling à Bruxelles pendant 8 ans avant de déménager aux Etats-Unis. En 2015, Grayling m’a proposé de développer un pôle de conseil international pour aider les organisations de divers secteurs (principalement énergie, environnement, tech, transport et voyage – y compris GBTA) à définir leurs stratégies de plaidoyer, développer leurs positions, s’engager auprès des autorités publiques et à construire des coalitions avec des parties prenantes partageant les mêmes idées.
Quel est votre rôle au sein de GBTA et de vos objectifs ?
J’ai rejoint GBTA au début de l’année dernière (janvier 2022) pour développer notre initiative d’action climat, notre stratégie monde en affaires publiques, et pour relancer et gérer la Fondation GBTA – avec pour mission de catalyser l’action dans l’industrie du voyage d’affaires afin de créer un impact positif social et environnemental. Le secteur a beaucoup souffert de la pandémie et des restrictions à la libre circulation des personnes. Mais c’est aussi un secteur d’une résilience incroyable et le moment était bien choisi pour donner le coup d’envoi d’une ambitieuse démarche de durabilité et pour positionner le secteur à l’avant-garde de l’action climatique et de la gestion de l’environnement.
Quelles sont vos priorités pour cette année ?
En ce qui concerne mes objectifs spécifiques, nous avons défini trois priorités. La première c’est de continuer à promouvoir le dialogue dans l’ensemble du secteur et avec des organisations partageant les mêmes idées. Ensuite, nous voulons plaider pour des politiques qui améliorent l’expérience des voyageurs d’affaires, suppriment les obstacles à la libre circulation et accélèrent la décarbonisation de notre industrie. Enfin, notre priorité est aussi de développer les outils nécessaires pour aider les membres à naviguer parmis les nouveaux défis pour le secteur, y compris la numérisation, la multimodalité et la durabilité.
Pouvez-vous nous expliquer l’organisation au sein de GBTA, de Grayling et avec les autorités gouvernementales ?
GBTA travaille avec plusieurs consultants et experts en affaires gouvernementales qui nous aident à représenter les intérêts de notre secteur auprès des gouvernements : Grayling à Bruxelles, Cornerstone aux Etats-Unis et Invictus au Canada. Nous coordonnons ces efforts de représentation à travers le monde – y compris avec les agences des Nations Unies telle que l’OACI – et développons nos positions avec l’aide de nos membres, comités et autres experts du secteur. Le mois dernier, Grayling, des membres de l’équipe exécutive de la GBTA et des membres des comités de la GBTA ont participé à un programme de sensibilisation d’une semaine à Bruxelles, rencontrant des représentants du gouvernement, des influenceurs et d’autres parties prenantes clés pour façonner l’avenir du voyage d’affaires et les questions relatives au développement durable dans notre industrie. De nombreux membres actifs de GBTA France ont participé aux réunions et ont pu partager leur expérience en tant que professionnels français du voyage d’affaires. En fin de compte, la législation de l’Union Européenne est façonnée par les gouvernements nationaux et les fonctionnaires directement élus dans les différents États membres. La France est un pays très influent sur les dossiers législatifs clés qui intéressent notre industrie.
Vous avez abordé précédemment les sujets de durabilité. Sur quelles actions concrètes travaillez-vous avec les gouvernements ?
Le développement durable continue d’être une priorité. Avec la reprise des voyages après la pandémie, les employés veulent voyager mieux et plus intelligemment, et toutes les entreprises sont soumises à une forte pression pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le secteur des voyages d’affaires doit présenter des solutions concrètes pour faire face à la crise climatique et envoyer un signal de demande clair pour stimuler la production de carburant durable pour l’aviation en Europe. En effet, l’Union Européenne travaille sur plusieurs textes législatifs visant à décarboniser le transport aérien par l’adoption de carburants durables pour l’aviation. Avec son initiative ReFuelEU, l’Union Européenne enverra un signal fort sur la demande de carburants durables, permettant à l’offre et à la demande du secteur de l’aviation d’être suffisamment préparées pour leur adoption. Le financement public de la transition écologique sera toutefois essentiel, car le Parlement européen a estimé que les tarifs aériens devraient augmenter d’environ 8 % d’ici à 2050 en raison de la hausse des coûts du carburant. La loi «Net Zero Industry Act» encouragera, espérons-le, les gouvernements nationaux comme la France à mettre en place des crédits d’impôt à l’investissement dans les carburants durables pour les rendre plus compétitifs.
Nous travaillons avec les gouvernements et les parties prenantes du secteur pour offrir de meilleures incitations à la production de carburants propres afin de faire baisser leur prix. À l’heure actuelle, le carburant durable, appelé CAD, est encore en moyenne cinq fois plus cher que le kérosène conventionnel. Les producteurs de carburants propres attendent que ces lois soient en place pour commencer à investir dans de nouvelles usines. GBTA et les entreprises de voyage peuvent jouer un rôle pour envoyer un signal fort de la demande et soutenir les investissements et les financements publics en faveur des carburants aéronautiques durables. Ajouté à cela, l’absence de normes industrielles
freine le secteur des voyages d’affaires à court terme en raison d’un manque de données. Si vous ne connaissez pas vos émissions, il est difficile de mettre en place un plan pour les réduire. La Commission européenne a heureusement pris des mesures pour harmoniser le suivi et la déclaration des émissions grâce à deux initiatives. La directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) exigera des rapports de durabilité détaillés de la part d’un plus grand nombre d’entreprises européennes et non-européennes. L’initiative Countmissions EU fournira une méthodologie commune pour le calcul des émissions de transport pour tous les modes de transport. Ce système volontaire permettra une meilleure compatibilité entre les différentes options de transport et facilitera les changements de comportement en faveur d’options de voyage plus durables.
Qu’en est-il de la notion de multimodalité ?
La multimodalité, c’est-à-dire une meilleure intégration des différents modes de transport (surtout le train et l’avion), est également au cœur de nos discussions avec les gouvernements. Les voyageurs d’affaires souhaitent pouvoir réserver ces trajets multimodaux de manière plus simple. Les plateformes permettant de comparer et combiner des billets de trains et des vols aériens – et de comparer leurs émissions – sont en développement, mais celui-ci est entravé par le manque d’accès aux données.
Enfin, l’absence de normes et de standards en matière de voyages d’affaires plus durables nous freine. Les gouvernements, en partenariat avec des acteurs du secteur comme GBTA, travaillent ensemble pour développer une méthodologie pour mesurer les émissions de CO2 et uniformiser les règles du jeu pour chaque mode de transport.
L’initiative de la Commission européenne sur les services de mobilité numérique multimodale appelés MDMS réduira la fragmentation des services de mobilité numérique dans l’UE, améliorera le partage des données et facilitera la transition vers des options de transport durable, ainsi que la combinaison de divers modes de transport, par exemple l’avion et le train. La GBTA estime que le MDMS ouvrira la voie à des déplacements plus écologiques et plus fluides, en tirant parti de l’infrastructure ferroviaire européenne et des avantages des déplacements multimodaux. Les responsables des voyages d’affaires étant désireux de réduire l’empreinte écologique de leurs programmes de voyage, la disponibilité et la comparabilité des données entre les différents modes de transport, en particulier lorsqu’il s’agit de combiner l’avion
et le train, seront la clé du succès. Outre la durabilité, la facilitation des contrôles aux frontières reste un élément clé de notre travail de plaidoyer. Les efforts de l’UE pour faciliter les contrôles aux frontières s’articulent autour de deux législations, à savoir le système d’entrée et de sortie, l’EES, et le système européen d’information et d’autorisation de voyage, l’ETIAS.
La GBTA veut s’assurer que le système tiendra sa promesse de contrôle aux frontières plus efficace en automatisant les contrôles tout en garantissant des niveaux élevés de protection des données: le système recueillera des données biométriques, des noms et des numéros de passeport et sera interopérable avec EUROPOL et les autorités chargées de l’octroi des visas.
Quelques mots pour conclure cette interview ?
Notre action GBTA en Europe est primordiale, mais nous aurons besoin de règles du jeu équitables au niveau mondial pour éviter les distorsions de concurrence. C’est un message que GBTA continuera à faire passer dans toutes les régions du monde où nous sommes actifs et en discussion avec les gouvernements. .